La victoire électorale du parti d’extrême-droite PVV de Geert Wilders aux Pays-Bas n’est pas plus un accident que celle de la coalition des droites radicales en Italie l’année dernière. Les questions migratoires et leurs conséquences sont devenues centrales dans les préoccupations des électorats européens.
- Manifesté par les paniques morales de sociétés en déclin démographique (cf. EIH 10/11/22), l’occidentalisme analysé il y a 10 ans par le politologue Gael Brustier nourrit cette dynamique.
- Paradoxalement, malgré la mobilisation électorale pour rejeter les migrants, même légaux, les flux ne semblent pas du tout décroître.
- Quand le Brexit devait entre autres permettre de “reprendre le contrôle” de leurs frontières : le Royaume-Uni a accueilli plus de 500000 migrants l’année dernière, un “record absolu” selon la BBC.
- Côté italien, la pression politique croissante génère des tensions politiques avec la France. Plus de 145000 personnes sont arrivées en Italie en 2023, contre 88000 personnes arrivées au cours de la même période en 2022.
- Giorgia Meloni, élue sur sa promesse de lutter contre l’immigration, se retrouve dans les mêmes contradictions (déjà soulignée ici, cf. EIH 27/8/23).
- Ces chiffres peuvent bien évidemment être orientés en fonction de l’objectif de chaque migration – fuir une guerre, un régime politique, trouver du travail, faire des études – mais force est de constater que la sensibilité d’un gouvernement est sans effet sur l’intensité des flux.
- Poursuivant la tendance déjà lourde de sous-traitance des flux migratoires (cf. EIH 12/6/23), déjà explorée avec la Libye en 2017, la Première ministre italienne a signé un accord le lundi 6 novembre avec le Premier ministre albanais, Edi Rama.
- L’objectif est de transférer les migrants secourus en Méditerranée par des navires italiens en Albanie pour prendre en charge – a priori – l’accueil d’urgence.
- Financé par l’Italie, l’accord ne s’applique qu’aux personnes recueillies par les navires italiens en Méditerranée, et non à celles qui arrivent d’abord sur le sol italien.
- Il ne s’applique pas aux mineurs, aux femmes enceintes et aux autres personnes vulnérables.
- Cet accord fait fortement débat au sein de l’Union européenne, et même au sein de la population albanaise.
- Pour les ONG, cet accord est illégal et ne peut être mis en place.
- Selon Amnesty International cette politique s’apparente à un “refoulement », pratique interdite par le droit international et le droit européen.
- L’Italie a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour des faits de refoulement, en 2009.
- La commissaire européenne en charge des Affaires intérieures, Ylva Johansson, propose une évaluation quasi jésuitique considérant qu’il s’agit d’une législation hors de l’UE donc que la légalité européenne est préservée.
- L’incertitude juridique qui entoure l’accord n’est pour autant pas levée.
- Les violations potentielles du droit européen donneront-elles lieu à une action de la part de la Commission européenne ?
- Le cas échéant, contre qui ? L’Italie ? L’Albanie ?
- L’institution semble avoir pris ses distances par rapport à la mise en œuvre de l’accord.
- L’Albanie n’est pas membre de l’UE, certes, mais c’est un Etat candidat.
- Difficile de dire si – ce que l’on peut comprendre comme un soutien logistique à son voisin italien – ira en sa faveur ou non dans le processus d’adhésion.
- L’accord fait également fortement écho aux projets britanniques de sous-traitance de demande d’asile au Rwanda.
- Il n’est pas permis, au regard du droit international, de transférer les demandeurs d’asile arrivés au Royaume-Uni vers le Rwanda, selon la Cour Suprême.
- La question reste posée pour les requêtes formées depuis le Rwanda.
Si ces gouvernements ne parviennent pas toujours à contourner l’Etat de droit, on peut craindre à terme une remise en cause plus profonde des cadres juridiques qui protègent les droits fondamentaux.