DEFENSE SANS CONSCIENCE 

Y a-t-il une défense européenne ? La question est presque choquante tant cette thématique est centrale au débat européen. Pourtant, que la Suède et la Finlande aient préféré la sécurité du traité de l’Atlantique nord à celle des traités sur l’Union européenne en dit long sur le scepticisme que suscite encore la notion d’Europe de la défense (cf. EIH 19/5/22). 

  • Dans une analyse sur son blog, le spécialiste des questions de défense Nicolas Gros-Verheyde revient sur les paradoxes d’une politique aux multiples enjeux, industriels et géopolitiques, dans un monde où le respect du droit international vient seulement après la politique du fait accompli et du coup de force. 
  • Les tensions géopolitiques récentes et les conflits ont mis à nu les faiblesses structurelles de la capacité de défense de l’UE.  
  • Résolus à corriger leurs erreurs, les dirigeants européens s’étaient engagés en mars 2022 à renforcer les capacités de défense du continent et à en profiter pour améliorer leur offre industrielle 
  • Outre la concurrence féroce que se livrent les constructeurs nationaux, les fonds manquent pour rendre l’offre compétitive.  
  • Depuis une vingtaine d’années, la part des dépenses militaires reste faible pour une UE à l’abri de la garantie de sécurité américaine.  
  • Le contraste avec les autres grandes puissances mondiales est frappant :  
  • entre 1999 et 2021, les dépenses combinées de l’UE dans le domaine de la défense ont augmenté de 20 %,  
  • contre 65 % pour les Etats-Unis, 300 % pour la Russie et 600 % pour la Chine. 
  • Un autre problème de l’industrie de défense européenne est le manque de coordination, même lorsqu’elle dépense l’argent à bon escient. Cette industrie a grand besoin d’une consolidation transfrontalière.  
  • L’intégration de l’industrie de la défense est à la fois une opportunité et une nécessité pour l’intégration européenne dans son ensemble, mais elle s’est avérée difficile.  
  • Un exemple récent montre pourquoi : Safran, un fabricant français de moteurs à réaction, a alerté sur le fait que son offre d’achat de Microtecnica, un spécialiste des systèmes hydrauliques de commande de vol, avait été bloquée par le gouvernement italien.  
  • La raison invoquée par le gouvernement italien est quelque peu étrange : il craint que Safran ne se dérobe aux responsabilités de Microtecnica dans le cadre du programme Eurofighter.  
  • Son PDG fait remarquer que Safran est déjà un fournisseur de l’Eurofighter, il n’est donc pas logique qu’il revienne sur les engagements de Microtecnica.  
  • Il risquerait en outre de compromettre d’autres activités commerciales lucratives. 
  • Pour sortir de l’impasse, la Commission européenne envisage des mesures concrètes pour faciliter les achats en commun de matériel militaire et pour soutenir les capacités de fabrication industrielle européenne.