Il ne suffit pas d’avoir des soldats, il faut les armer. Contrairement aux saillies présidentielles, ce n’est pas de “troupes au sol” dont l’Ukraine a besoin – elle en a – c’est de munitions (cf. EIH 18/2/24). Après les 1,5 milliard d’euros de fonds débloqués pour le Fonds européen de défense (FED) lors du Conseil européen extraordinaire du 1er février 2024, la Commission met, en ce mois de mars 2024, les bouchées doubles sur la défense européenne et la délicate question de sa base industrielle.
- Pour rappel, les retards de livraison des munitions promises à l’Ukraine (moins de 50%) ont soulevé dans les derniers mois deux problèmes majeurs :
- L’UE achète plus à des entreprises américaines et coréennes qu’elle ne produit, ce qui implique que les fonds débloqués, que ce soit pour l’aide à l’Ukraine ou aux niveaux nationaux pour la modernisation des armées des États-membres, bénéficient aux entreprises extra-européennes.
- L’UE est dépendante de la protection militaire américaine en cas de conflit menaçant son territoire, mais se repose également sur les industriels de la défense américaine pour fournir en équipement les armées des États membres (68% de l’armement acheté est produit par les Américains).
- Face à ces défis, la Commission européenne a publié, le 5 mars 2023, une proposition législative pour l’établissement d’un programme européen pour l’industrie de la défense (PEID), dont plusieurs points sont à retenir :
- Premièrement, la création d’un Bureau pour l’innovation de la défense à Kiev, ainsi que l’annonce de la participation de l’Ukraine dans les programmes de défense européens.
- C’est un renouvellement du soutien affiché à l’Ukraine et d’un engagement à long-terme entre l’UE et l’Ukraine présageant de son accession éventuelle au statut d’Etat-membre.
- Deuxièmement, la mise en place de quotas pour l’industrie de la défense, imposant aux industriels et Etats membres, d’ici 2030, d’effectuer 40% minimum de leurs achats d’équipement en commun.
- Ceci augure d’un usage renforcé du Fonds européen de Défense.
- Par ailleurs, afin de renforcer la base industrielle de défense européenne, 50% minimum des équipements achetés devront être fabriqués en Europe, et 60% en 2035.
- La proposition législative prévoit également de mobiliser les fonds du FED pour financer l’accélération des chaînes d’approvisionnement et de production déjà existantes.
La collaboration renforcée avec la coopération structurée permanente (CSP), déjà annoncée en 2018 et qui bénéficie de 5% des fonds, annonce également un investissement renouvelé dans la recherche et l’investissement dans les technologies de rupture.