Le 6 novembre 2023 à Séville, à l’occasion du Sommet de l’European Space Agency (ESA) à Séville (cf. EIH 12/11/23), les ministres européens réunis afin de décider du futur du spatial européen ont trouvé un accord pour soutenir les lanceurs Ariane 6 (à hauteur de 340 millions d’euros) et Vega-C (21 millions), respectivement français et franco-italien.
- Le sommet a également donné le coup d’envoi à un appel d’offre pour un accès indépendant à l’espace auprès du secteur privé.
- On s’engage ainsi – timidement – vers la route de la concurrence et du recours aux industriels privés.
- Ces derniers se multiplient en Europe ces dernières années à l’image de Latitude (FR), Hympulse, RFA, IsarAerospace (ALL), Pangea Aerospace (ES-FR) et MaiaSpace, une filière d’Ariane Group.
- Ils sont toutefois loin d’égaler les financements et le volume de production des entreprises américaines comme SpaceX, néo-zélandaises comme RocketLab, ni même les progrès fulgurants des programmes spatiaux chinois et indiens.
- Depuis l’arrêt des lanceurs Soyouz russes depuis Kourou, le centre spatial guyanais (CSG) de l’ESA, et le dernier vol d’Ariane 5 en juillet 2023, les retards d’Ariane 6 et les multiples complications de Vega, les pas de tir du CSG sont bien vides par rapport à Cape Canaveral en Floride, où les dizaines de lancements annuels, largement dus à SpaceX, vont croissants.
- L’Europe spatiale est mal en point, car elle accumule les retards, ne dispose pour l’instant pas d’un accès indépendant à l’espace.
- Malgré un partenariat privilégié entre l’ESA, la NASA (Agence spatiale américaine), JAXA (japonaise) et CSA (canadienne) qui portent le flambeau des programmes Artemis entre autres, les retards de lanceurs lourds type Ariane 6 s’accumulent.
- Aucun projet viable de fusées réutilisables européennes n’est lancé, et les projets de micro-lanceurs pour l’accès à la très convoitée orbite basse (LEO) n’en sont qu’à un stade de développement balbutiant.
- Parallèlement, les boosters de la Falcon 9 de SpaceX ont déjà fait l’objet de réutilisations sur près d’une vingtaine de lancements.
- Alors que la Commission européenne continue d’accorder des contrats à SpaceX pour les lancements des satellites institutionnels de l’Union européenne, (cf. EIH 20/10/23), lequel vient de rafler un contrat de 1,2 milliards de dollars auprès de la Space Force américaine, l’ESA annonce un élargissement de son programme ScaleUp.
- Sous la Direction de la commercialisation l’industrie et des contrats (D/CIP) ce programme vise à soutenir le développement des anciens et nouveaux partenaires industriels européens.
- Avec le souvenir douloureux de la navette Hermès des années 70 à 90 qui aurait permis des vols européens habités, les financements institutionnels timides européens ne suffiront pas à stimuler l’émergence et la concurrence entre des acteurs industriels européens pour décrocher des contrats modestes, voire inexistants.
- Des géants industriels européens profitant déjà des contrats de l’ESA comme Thales Alenia Space et Airbus sont sollicités par les Américains, et les nouvelles start-ups européennes, faute de contrats à remporter en Europe, se tournent elles aussi outre-Atlantique.
- La fuite des cerveaux continue…
- Loin des milliards distribués chaque année par des contrats militaires et gouvernementaux divers aux Etats-Unis, les quelques millions dispersés parcimonieusement en Europe ne suffiront pas à concrétiser la vision ambitieuse pour le spatial européen du directeur de l’ESA, Josef Aschbacher.
- Pourtant, les 75 millions de l’appel d’offre ne sont pas un nombre quelconque : c’est précisément le coût de la mission Chandrayaan-3 indienne, un succès retentissant à plus d’un titre, et non des moindres au vu de son budget très modeste.
- L’annonce du Premier ministre indien Modi d’envoyer des astronautes sur la Lune en 2040 nécessitera des investissements plus conséquents.
Si l’Europe, veut rester dans la course à la découverte, l’exploration et l’exploitation spatiale, doit être prête à dénouer les cordons de la bourse.