Nous l’avons déjà souligné les semaines précédentes : les guerres en Ukraine et au Proche-Orient sont indissociables. D’autant plus qu’elles mobilisent, au-delà des zones de conflit, une grande partie des pays du monde et participent à la redéfinition des rapports géopolitiques globaux. Dans un monde en reconfiguration, où les stratégies et les alliances internationales sont en restructuration, il y aura forcément des perdants. A cet égard, l’UE semble moins bien armée pour répondre aux défis. Avec le renforcement des BRICS et l’annonce de leur élargissement à six nouveaux membres, à partir de janvier 2024, (cf. EIH 27/8/23) une alternative stratégique se développe.
- Des pays du Sud – dit “global” – se posent en acteurs de la scène internationale face à l’”Occident collectif”.
- La pertinence de l’appellation « Sud global » est expliquée dans cette longue analyse de la chercheuse Aude Darnal, pour Le Grand Continent.
- Elle insiste sur l’hétérogénéité de ces pays, dont l’influence se développe très rapidement.
- Elle met en avant un Occident aussi plutôt hétérogène – si l’on prend les différences entre les pays membres de l’UE par exemple.
- Lors d’une conférence relative à l’influence de la Russie au Proche-Orient, organisée par Desk Russie et Conspiracy Watch, est expliqué comment, avec ses alliés -l’Iran, le Hamas et le Hezbollah – le Kremlin cherche à affaiblir la présence américaine et à discréditer Israël auprès des pays arabes afin de regagner son influence d’antan.
- La guerre froide a muté en guérilla de civilisation.
- Les abus de l’”Occident global” sont particulièrement manifestes avec ceux de l’Etat d’Israël et donc légitimement combattus et soutenus par le leader russe.
- Ce raisonnement convainc aussi à l’Ouest dont de plus en plus de citoyens sont demandeurs de conspirationnisme.
- Tout ceci explique le développement de RT et le financement par le Kremlin de mouvances conspirationnistes en Europe et aux Etats-Unis mais ne donne pas l’impression d’une opposition en bloc à l’”Occident global”.
- Une attention particulière doit être portée à l’Arabie saoudite qui gagne en influence, régionale et internationale.
- Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et la crise énergétique, Riyad joue un rôle important principalement à travers sa production de pétrole qui lui permet de tenter d’influencer les cours du brut, en jouant sur ses volumes de production et sur la solidarité de l’OPEP.
- Dans le contexte de la guerre au Proche-Orient, Riyad est devenu l’un des acteurs régionaux les plus importants.
- Se présentant comme étant à la tête des pays arabes, l’Arabie saoudite par le biais de son ministre des Affaires étrangères – dont le discours fondateur est traduit et rapporté par le Grand Continent – expose sa vision des relations internationales et ses ambitions. Elle appelle à :
- un cessez-le-feu et au retour de la paix au plus vite ;
- une aide humanitaire pour les populations bombardées ;
- la création d’un Etat palestinien indépendant.
- Une position partagée par l’UE. Pour Josep Borrell, les territoires de Gaza doivent être sous le contrôle de l’Autorité Palestinienne.
- Prête à rejoindre les BRICS, l’Arabie saoudite s’éloigne peu à peu des Etats-Unis dont elle a longtemps été la pièce maitresse dans l’ordre régional (Pacte du Quincy, en 1945).
- L’efficacité du l’ONU et de son Conseil de sécurité à maintenir la paix – au Proche-Orient en particulier – a d’ailleurs été remise en question par le ministre des Affaires étrangères saoudien.
- Ainsi, malgré une coopération étroite avec la Russie et la Chine notamment, elle reste plutôt non-alignée.
- A noter que prête à étendre son influence et à développer des partenariats diversifiés, l’Arabie saoudite était en discussion avec Israël pour signer un accord de normalisation – l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, est venu le remettre en question.
- Dans ce monde de plus en plus post-occidental, l’influence de l’UE décline.
- Malgré leur écrasante domination militaire, les Etats-Unis semblent manquer de levier de puissance.
- Le chercheur américain Jérémy Shapiro pose les jalons d’une analyse très iconoclaste de la superpuissance.
- Dans ce monde multipolaire, sur lequel les acteurs ne savent plus trop naviguer et où chacun essaye de tracer son chemin, les Etats-Unis vivent encore sur le mythe de leur superpuissance
- La durée des conflits leur fait prendre conscience qu’il va falloir faire des choix – l’Ukraine et Israël n’ont pour l’instant pas besoin des mêmes armes mais cela pourrait devenir le cas.
- Resserrant les rangs lors d’un sommet occidental au mois d’octobre 2023, Ursula von der Leyen, Charles Michel et le président Biden ont annoncé vouloir renforcer leur partenariat stratégique et envoyer un message d’unité.
- Plutôt que de développer son “autonomie stratégique”, l’UE semble avoir choisi résolument son alignement.
- Dans “l’Occident collectif”, une notion utilisée par V. Poutine pour désigner l’ennemi, il y a cependant un acteur qui a pris la mesure de la nouvelle donne.
- Le Japon a compris qu’il fallait prendre ces pays en considération.
- Cette étude de l’European Council of Foreign Affairs incite l’Union à prendre exemple et à avoir une approche nouvelle vis-à-vis de ces pays.
- Tokyo développe des relations bilatérales signifiantes et étroites.