Polarisation croissante et Euroscepticisme en Macédoine du Nord, la réaction du public à la « proposition française » comme point culminant

L’ISSHS (Institut des sciences sociales et humaines) de Skopje a produit plusieurs analyses accompagnées de recommandations sur la sortie possible de l’impasse de l’élargissement due au différend bulgaro-macédonien.

Nous estimons à ce jour que l’essentiel de nos recommandations a été pris en compte par le cadre général et de négociation du Conseil de l’UE, dans la mesure où les éléments tenant à la « proposition française » devant mener à l’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne ne contiennent aucune référence à l’histoire, à l’historiographie et à l’identité macédonienne. Les questions de conflit culturel, que nous définissons comme le cœur du différend (voir la première recommandation citée ci-dessous, qui contient les prémisses de la définition), ont été reléguées au plan de la résolution bilatérale des conflits et, nous l’espérons, de la réconciliation.

 » Les politiques culturelles devraient être conçues pour traiter le conflit culturel en question et offrir une solution en termes de politiques culturelles et éducatives dans toutes les disciplines (littérature, arts, histoire), car tout récit identitaire va au-delà de la simple « histoire » (dans le contexte identitaire, l’histoire est un récit folklorique spontané du passé, qui s’apparente à un mythe). En d’autres termes, ce n’est pas l’historiographie ou la pédagogie qui doivent apporter la solution au conflit en jeu, mais les politiques éducatives contemporaines ; au lieu de cela, il faut appliquer des politiques éducatives et de relations internationales susceptibles d’affirmer les liens de l’histoire, que cette histoire soit dite partagée ou commune – il est essentiel de souligner qu’il s’agit de liens de continuité entre le passé partagé mais aussi, espérons-le, l’avenir partagé, de points de connectivité plutôt que de division (extrait de Precis of a Threefold Analysis, p.1, disponible sur notre site web sous long policy reads, légèrement révisé). »

Le document, fruit de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, reste politiquement stérile – dans le meilleur sens du terme – tout en offrant une approche sensible aux préoccupations culturelles pour lesquelles un format très approprié a été proposé, un format qui émule un accord similaire de relations de bon voisinage, le « Prespa ». De plus, la recommandation que nous considérions comme farfelue et très improbable s’est concrétisée : la position-cadre de l’Assemblée bulgare a été complètement mise de côté dans la soi-disant « proposition française » « controversée ».

Pourquoi alors cette réaction non seulement des partis de droite et d’un parti nationaliste de gauche (Levica), mais aussi d’une partie de la société civile experte présumée pro-européenne ? Nous pensons qu’il s’agit d’une question de forte polarisation créée par le veto et les négociations bilatérales qui l’ont entouré. L’Union européenne et la Bulgarie sont coupables d’avoir laissé se produire un processus aussi dangereux, en autorisant de manière inconsidérée la polarisation et l’euroscepticisme, même parmi ceux qui étaient autrefois les plus engagés dans l’intégration de l’UE.
Un processus rapide de dépolarisation, par le biais de méthodes de résolution des conflits culturels et de réconciliation, devrait être initié d’urgence comme condition préalable à toute conversation rationnelle autour des protocoles bilatéraux avec la Bulgarie, mais aussi en rapport avec le « document français » (comme le surnomme le public macédonien) et pour reconstruire la confiance dans l’idée d’une Europe unifiée et des valeurs européennes. La première étape pourrait (et, selon nous, devrait) consister à rappeler à notre public que nous devons encore apprendre ce que sont les valeurs européennes, qui ne se limitent pas à une simple appartenance géographique et culturelle au continent : un dialogue sur les points de vue opposés, la résolution des conflits et le talent et la connaissance de la construction de bonnes relations de voisinage par le biais de la « vérité et de la réconciliation » (en ce sens, Jacques Derrida doit nous inspirer) ainsi que d’autres modèles connexes de dépolarisation et de résolution des conflits culturels.

Katerina Kolozova pour Civil.Today, disponible sur https://civil.today/isshs-tackling-the-issue-of-rising-polarization-and-euroscepticism-culminating-in-the-publics-reaction-to-the-so-called-french-proposal/