Le jeu géopolitique de Viktor Orban est parfois difficile à suivre. Membre (volontaire) de l’UE et de l’OTAN, la Hongrie multiplie les occasions pour se démarquer et jouer une partition très solo. Dans son traditionnel discours commémoratif de la révolution hongroise du 23 octobre 1956, V. Orbán a renouvelé les provocations géopolitiques domestiques et extérieures.
- En affirmant que son pays est « le plus sûr et le plus stable de toute l’Europe », il justifie ainsi par l’efficacité les reculs de l’Etat de droit et l’autoritarisme (cf. EIH 29/05/23).
- En 2021, la Cour européenne des droits de l’Homme constatait au moins une violation de la Convention dans près de 94 % des arrêts rendus concernant la Hongrie.
- Plus de la moitié des constats de violation concernaient l’article 6 qui consacre le droit à un procès équitable.
- Justifiant son régime “illibéral” par des considérations anthropologiques et culturelles, V. Orban, estime que les Hongrois auraient « des conceptions différentes de la liberté, et des conceptions différentes de ce qu’est un monde libre » face aux autres Européens
- Il remet ainsi en cause la justesse de la réunion de l’Europe occidentale et de l’Europe orientale.
- Il s’agit d’un discours récurrent en Europe centrale : l’éditeur Jarosław Kuisz constatait un état de désillusion chez les élites nationalistes de l’Est face à l’Occident qu’elles avaient rêvé de rejoindre pourtant.
- Pour en mesurer la force, on peut relire ce dialogue de 2008 entre le grand historien polonais B. Geremek, ancienne figure de Solidarnosc et M. Foucher, intellectuel français connaisseur de l’Europe centrale et penseur de la frontière.
- La désillusion se serait alors métamorphosée en « hostilité résolue vis-à-vis de l’Union européenne dans sa forme actuelle », explique le rédacteur B. Roger-Lacan dans le commentaire du discours de Orban.
- Le discours de V. Orban trace de nouvelles fractures intérieures à l’Union et de la nécessité de peser sur les équilibres internes à travers “les élections européennes”.
- Se déliant de l’europhobie, le Premier ministre partagerait ainsi l’ambition « actuelle de la majorité des néonationalistes européens ».
- Pour Emmanuel Berretta du Point, il y aurait là une surtout inquiétude transformée en défi à l’ordre institutionnel et politique de l’Union européenne.
- En effet, un tel discours se place dans un contexte où le Parlement européen se mobilise pour dissuader la Commission de dégeler les 13 milliards d’euros de fonds destinés à la Hongrie.
- Ce discours signale quelque chose de plus profond qu’un simple jeu politique interne à l’UE. Il s’agit d’un contre-modèle, d’un alignement alternatif à l’Occident, pas uniquement dans son opposition à l’inclusion LGBTIQ+ dans notre société. V. Orban met sans cesse en scène sa proximité avec Vladimir Poutine.
- Alors que l’Italie de G. Meloni a choisi l’alignement sur Bruxelles et s’est retirée de l’orbite sino-russe, V. Orban était présent les, 17 et 18 octobre 2023, au sommet chinois des routes de soie à Pékin.
- On l’y a vu aussi aux côtés du président russe, se serrant la main.
- Un geste “déplaisant” pour Kaja Kallas, Première ministre estonienne.
- Une insulte aux morts ukrainiens, pour le Premier ministre luxembourgeois sortant.
- Cette posture d’éternel rebelle – hier à Moscou aujourd’hui à Bruxelles – sied bien à V. Orban qui pratique le contrepied géopolitique de façon provocante.
- Le parti des jeunes démocrates est aussi à la recherche de nouveaux soutiens car la défaite de ses alliés du PiS rendent le gouvernement Orban vulnérable aux procédures de l’article 7 du TUE, cette « arme nucléaire institutionnelle ».
- Il est encore trop tôt pour savoir s’il pourra compter sur le soutien de la Slovaquie de R. Fico mais on peut relever que, élu sur cette promesse électorale, le premier ministre slovaque vient d’annoncer la suspension de son aide militaire à l’Ukraine.