Parallélisme des formes avec l’autre modèle d’une fédération d’Etats unis dans la diversité, le #SOTEU (Speech on the State of the EU) s’est tenu à Strasbourg, ce mercredi 13 septembre 2023. Technocratique et institutionnel aux premiers temps de la Commission Barroso, l’exercice est devenu, 15 ans plus tard, un rituel politique structurant pour la démocratie européenne – même quand la présidente prend soin “d’éviter les vagues” (comme le note Jean Quatremer).
- Signifiant, cependant, au point de susciter d’amusantes surinterprétations dans l’esprit étroitement hexagonal de certains journalistes/
- Merci d’ailleurs à Jean-Sebastien Lefebvre, de Contexte, pour ce moment de franche hilarité à l’écoute de ce bingo du contresens européen.
- Les médias généralistes parlent d’Europe en ignorance de cause, mais au moins en parlent-ils.
- Avec en ligne de mire les élections européennes de 2024 (et l’éventualité d’un second mandat croit savoir Politico) pour l’actuelle Présidente de la Commission (déjà critiquée pour son refus de jouer le jeu des “Spitzenkandidaten”), celle-ci prononçait donc son dernier discours sur l’état de l’Union européenne de cette législature.
- Parmi le foisonnement d’analyses qui entourent le SOTEU, on notera une série de réflexions où les économistes du think tanks Bruegel recommandent à la Présidente de s’engager plus avant sur la transformation du modèle industriel européen.
- Il est impératif, selon eux, de répondre aux défis du retour de la stagflation et de la fragmentation.
- Défendant le Green Deal, pilier central de son action, la présidente a appelé à « garder le cap » sur la transition écologique.
- Cette détermination contraste avec les attaques des gouvernements et députés de droite et des conservateurs et nationalistes de l’ECR.
- Tentant de tirer les leçons des erreurs industrielles du passé (en particulier sur les photovoltaïques), la Présidente s’est aussi engagée sur des mesures stratégiques pour le secteur automobile.
- Celui-ci est actuellement sérieusement menacé par la concurrence des constructeurs chinois, considérée comme déloyale car hautement subventionnée.
- Il est difficile d’imaginer que ce bras-de-fer n’ait pas reçu l’aval des capitales concernées, en particulier Berlin, dont l’économie est la plus exposée au commerce chinois.
- Cette proposition souligne surtout les contradictions géopolitiques et commerciales d’un Green Deal dont la dimension extérieure n’a jamais été pleinement prise en compte (cf. EIH précédentes).
- Pour autant, sur ce sujet industriel comme sur les autres aspects du Green Deal le SOTEU montre les efforts de la Présidente pour apaiser les tensions avec le PPE, sa famille politique, afin de se mettre en ordre de bataille pour juin 2024.
- Par ailleurs la Présidente “géopolitique” s’est engagée nettement en faveur d’un “élargissement XXL” rapporte Médiapart, c’est à dire aux Balkans et pays de l’Est dont la Moldavie et l’Ukraine, dans « l’intérêt commun » de l’UE.
- Loin cependant de prôner une facilitation du processus d’adhésion, elle a invité les pays candidats à s’élever « à la hauteur de cette détermination ».
- Elle projette une Union à « 30 et plus », une ambition considérée comme « aussi immense que la chute du rideau de fer et la fin de la guerre froide » selon El Pais.
- Elle prend toutefois soin de ne pas préciser de calendrier.
- Mais prend le risque aussi de nourrir, à terme, spéculations et frustrations.
- Enfin, à l’exception de quelques généralités sur la démocratie, la discrétion du discours sur les questions d’Etat de droit a suscité de légitimes critiques.
- Des députés tchèques, libéraux ou pirates (Verts/ALE) se sont émus de cette absence,.
- Certains observateurs y voient un signe que la realpolitik et les élections pourraient l’emporter sur les principes.