RIP 

Il n’est pas dans nos habitudes de nous aventurer hors de nos domaines de préoccupation prioritaire, mais la disparition pendant les congés de deux figures éminentes de la vie politique européenne  (et franco-allemande) fait exception.  

  • En nous quittant respectivement les 26 et le 27 décembre 2023, Wolfgang Schäuble et Jacques Delors ont – à leur façon – tourné une page de l’histoire de la construction européenne.  
  • Celle d’une certaine idée de l’Europe et du couple franco-allemand.  
  • Le premier a, aussi par son intransigeance dogmatique pendant la crise des dettes souveraines, souligné les limites structurelles du Grand Oeuvre du deuxième : la monnaie unique européenne.  

 

  • Dans un hommage national à l’ancien président de la Commission européenne, le Président français a rappelé la centralité de la figure de Jacques Delors pour l’Europe. 
  • Acte unique, marché unique, programme Erasmus, dialogue social, premières politiques climatiques : le legs des deux mandats de Jacques Delors à la tête de la Commission embrasse tout le champ des politiques européennes.  
  • Figure de la méthode communautaire, héritier de Jean Monnet et incarnation de “l’esprit européen” Jacques Delors représentait par excellent le point d’équilibre entre les réticences des Etats et l’impatience des pionniers du fédéralisme. 
  • Il a travaillé sur le projet de l’Union économique et monétaire qui a finalement abouti à la création de l’euro en tant que monnaie unique de la majorité des États membres de l’UE. 
  • Le Grand Continent livre un remarquable portrait de celui qui incarna une certaine idée de l’Europe, improprement considérée comme “un âge d’or”. 

  

  • Wolfgang Schäuble aura été une personnalité centrale dans la politique allemande et européenne. 
  • Proposition restée sans réponse de la part d’une France empêtrée dans la cohabitation et la fin de règne mitterrandienne, la rivalité chiraco-balladurienne, 
  • Marquée par les illusions du franc fort et le scepticisme européen toujours vivace après une campagne référendaire tendue sur la ratification du traité de Maastricht. 
  • En tant que ministre des Finances d’Angela Merkel, il a joué un rôle central dans la gestion de la crise de la dette dans la zone euro, cherchant des solutions pour renforcer la stabilité financière au niveau européen. 
  • Le fameux TSCG imposé par Berlin et les “frugaux” à leurs partenaires, mais refusant les responsabiltés du leadership économique allemand. 
  • Principe devenu prioritaire, quitte à miner les solidarités européennes voire à suggérer aux Grecs de quitter la zone euro. 

 

Une ère s’achève, explique l’Opinion. Pour le meilleur ou le moins bon, ces deux figures ont contribué à façoner l’Europe d’aujourd’hui, rappelant la nécessité vitale de la coopération et la compréhension mutuelles pour l’esprit européen. Une leçon de “solutions à long terme pour problèmes à long terme”, comme le développe Eurointelligence dans son analyse du 5 janvier “Delors et le conflit israélo-palestinien”.