DSA TIRE À BALLES RÉELLES 

À la fin du siècle dernier, le sociologue Manuel Castells baptisait “ère de l’information” la période historique ouverte par l’introduction du transistor. Avec la numérisation du monde, qui l’a rendue à la fois virale dans la circulation et modifiable à l’infini dans les contenus, sa capacité de mobilisation et sa portée émotionnelle ont fait de l’information un champ de bataille global. Sensibilisée et un peu moins innocente sur les manipulations de données à caractère politique depuis le scandale Cambrigde Analytica, l’Union européenne a fait de la lutte contre la désinformation une de ses préoccupations majeures dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne.  

  • Le Digital Services Act (DSA), entré en vigueur le 25 août 2023 (cf l’EIH 04/09/2023) sert ainsi, entre autres, de réponse européenne aux “sociétés de réseaux sociaux ayant permis au Kremlin de mener une campagne de désinformation à grande échelle ciblant l’Union européenne”. 

 

  • L’intégrité des élections et en particulier des élections au Parlement européen en juin 2024, comme le soulignait en juin dernier un rapport du PE est devenu un sujet central des inquiétudes des institutions européennes.  

 

  • Le DSA introduit un cadre légal qui permet : 
  • Une évaluation des risques : Suivant les dispositions de l’Article 34, les plateformes de médias sociaux sont tenues d’identifier et intercepter la dissémination de contenus à caractère illégal, portants atteinte aux droits fondamentaux, ou entravant les processus civiques et électoraux.  
  • Les risques devront également être analysés au regard du caractère nocif de la publication de l’information litigeuse afin de contrecarrer tout risque systémique par le biais d’analyses qualitatives et quantitatives.  

 

  • Des mesures de mitigation : Les plateformes de médias sociaux doivent prendre des mesures raisonnables, proportionnelles et effectives pour réduire et retirer les contenus considérés comme porteurs de risques systémiques de désinformation.  
  • Les dispositions de l’Article 35 établissent une méthode d’analyse de l’atténuation basée sur la rapidité, la cohérence ainsi que l’atténuation.  

 

  • Au carrefour des enjeux économiques, technologiques, géopolitiques et démocratiques, le DSA est une tentative normative pour atténuer les impacts négatifs de l’inflation informative.  
  • L’émergence de l’Intelligence Artificielle générative menace de perturber l’écosystème de l’information et de l’opinion en exacerbant la propagation d’informations incorrectes et/ou considérées comme illégales.  
  • Les craintes suscitées par les capacités de manipulations offertes par l’intelligence artificielle sont bien illustrées par cette première occurrence, aux Etats-Unis, d’une publicité politique générée par l’IA. 
  • C’est le rôle du cadre réglementaire européen : rappeler les sociétés de médias sociaux à leur rôle de surveillance contre la désinformation politique.  
  • Pour éviter de connaître une situation à l’américaine, dans un contexte où le bras de fer entre les deux géants de la Tech, E. Musk et M. Zuckerberg, fragilise l’intégrité de l’espace informationnel. 

 

  • La régulation des contenus diffusés exclusivement sur Internet modifie les environnements juridiques des Etats membres.  
  • C’est d’ailleurs le sujet d’une soumission par le Conseil d’État grec de questions préliminaires à la CJUE sur la “Directive sur les services de médias audiovisuels”. 
  • La décision de la Cour n’est pas attendue avant 2025 et pourrait incarner une avancée judiciaire non-négligeable en matière de désinformation et encourager une diffusion responsable sur lesdites plateformes.