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“Première guerre mondialisée” selon l’expression de Bertrand Badie sociologue des relations internationales, la guerre déclenchée par V. Poutine contre l’Ukraine est en train de bouleverser l’ordre mondial, de façon moins spectaculaire mais tout aussi profonde que la chute de l’URSS ou les attentats du World Trade Center de 2001. Dans ce contexte, en Asie centrale, entre ex-soviétiques et monde perse, la Chine joue de son influence.

  • Les 15 et 16 septembre, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) s’est tenu à Samarkand, réunissant Xi Jinping et Vladimir Poutine et d’autres dirigeants asiatiques – les rêves de Poutine de voir l’OCS devenir une anti-Otan se sont toutefois trouvés contrariés.
  • L’OCS semble donc plus attrayante en termes de projets de collaboration régionale pour les pays d’Asie centrale que d’effort militaire commun.

Le président turc, R. T. Erdogan, seul membre de l’OTAN présent au sommet, refuse l’alignement avec Moscou, malgré leurs convergences, et préfère tenter de jouer le rôle d’un médiateur (cf. EIH).

    • Actuellement dépendante de Moscou sur le plan économique la Turquie est confrontée à une crise de sa balance des paiements, partiellement compensée par l’injection de fonds dans l’économie turque (20 milliards de dollars), très probablement en provenance de Russie.
    • La société nucléaire russe Rosatom construit également la première centrale nucléaire de Turquie.
      • Ankara refuse donc de participer aux sanctions contre la Russie mais poursuit la vente de drones à l’Ukraine.
      • En effet, une hégémonie russe sur la Mer noire ne serait pas acceptable.
  • La présence de la Turquie à l’OCS est cependant un message diplomatique à destination de l’Occident : la fidélité transatlantique aveugle est révolue et Ankara envisage une politique étrangère non alignée.
  • L’Iran cherche à tirer parti du regain de tensions Est-Ouest. Toujours soumis aux sanctions internationales, Téhéran souhaite rappeler aux États-Unis qu’il dispose d’autres alliés diplomatiques en Russie et en Chine.
    • L’OCS fonctionnerait alors pour l’Iran comme un bouclier contre les sanctions de l’ONU.
    • La portée de cette alliance stratégique est toutefois limitée – l’OCS est une simple alliance objective sans clause de sécurité collective comme celle qui caractérise l’OTAN (Art. 5 du traité).
      • La sécurité mutuelle y est difficile à concevoir car les membres de l’organisation entretiennent des différends frontaliers (Azerbaïdjan /Arménie, Inde /Pakistan…).

  • L’expansion régionale de la Chine en Asie centrale s’est déjà partiellement concrétisée par la construction de pipelines au Kazakhstan en 1997, la réunion des ministres des chemins de fer eurasiens en 1994 mais surtout, par l’utilisation de la capacité fondamentale de sécurité antiterroriste de l’OCS pour stabiliser la province du Xinjiang et créer une passerelle vers l’Eurasie afin de sécuriser l’initiative « Belt and Road ».
    • Cette expansion en Asie centrale a d’ailleurs suscité un malaise entre Xi Jinping et la Russie, la Chine s’avérant militairement implantée en Afghanistan, sa première base en dehors des frontières nationales, sans en avertir la Russie ou les autres membres de l’OSC.