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Dans l’accord de coalition du nouveau gouvernement allemand figure d’ailleurs la mention de la nécessité « d’accroître la souveraineté stratégique » de l’Europe.

  • Il s’agit « d’établir sa propre capacité d’action dans le contexte mondial et être moins dépendant et moins vulnérable dans des domaines stratégiques importants, tels que l’approvisionnement énergétique, la santé, les importations de matières premières et la technologie numérique, sans pour autant isoler l’Europe ».

  • Il est alors question de « mieux protéger les technologies et les infrastructures critiques » et « […] les entreprises européennes contre les sanctions extraterritoriales », d’adapter « les normes et les marchés publics en conséquence » et de lancer « un consortium européen open source 5/6G ».
  • La coalition n’évoque toutefois pas la création d’une capacité militaire commune à l’Union et entend plutôt miser sur les relations bilatérales entre les États membres.

Si ce changement de ton à Berlin se confirme, la voix de l’Europe pourrait bientôt changer de registre.

L’autonomie stratégique et ses différentes perceptions de part et d’autre du Rhin reste un des invariants de la conversation publique sur le rôle de l’Europe dans le monde. Ce concept a été appliqué pour la première fois en 2013 à la politique de défense et de sécurité de l’Europe, mais aujourd’hui, il s’applique à un plus grand nombre de domaines, notamment à la politique industrielle et commerciale.

  • La Commission européenne insiste sur le fait que son objectif est une « autonomie stratégique ouverte », c’est-à-dire une autonomie stratégique qui préserve l’économie ouverte et les avantages de l’interdépendance.

Clingendael, un think tank néerlandais sur les relations internationales, a publié un rapport sur ce concept afin de comprendre à quoi ressemble cet agenda dans la pratique.

  • L’institut analyse en premier lieu la complémentarité de l’autonomie stratégique et du maintien d’une économie ouverte en rapport à la politique industrielle et commerciale. Il détermine que ces deux objectifs ne sont pas incompatibles.
    • Si la mise en place de ceux-ci est réussie, alors l’interdépendance sera maintenue, ce qui conduit à une meilleure protection de l’UE et de ses industries ainsi qu’à un renforcement de l’ordre libéral international.
    • Il existe toutefois des tensions entre ces objectifs puisque l’autonomie stratégique européenne peut mener à des réponses qu’aux Pays Bas on considère comme “protectionnistes”, car certaines propositions et initiatives de l’UE (comme le CBAM) ont un impact direct sur l’ouverture de l’économie de l’UE.
  • Afin d’éviter cela, le rapport recommande que l’UE applique systématiquement le principe de proportionnalité à sa politique industrielle et commerciale.

  • Dans un second temps, l’institut analyse la complémentarité de l’autonomie stratégique et du maintien d’une économie ouverte en rapport à la politique de défense et de sécurité européenne.
  • Il est précisé que la base industrielle et technologique de défense européenne est protégée au niveau national par l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’UE.
  • Le principal défi à cet égard est la fragmentation intra-européenne, les gouvernements nationaux continuant à utiliser l’article 346 pour exempter les marchés  de défense des  règles  du marché commun de l’UE.
  • Le Fonds européen de défense (FED) a alors un rôle à jouer car il a la possibilité de briser les chaînes nationales de la demande à l’offre en fournissant des incitations financières pour la défense transfrontalière.
  • Selon le rapport, il est possible de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne en renforçant la résilience et en réduisant la dépendance à l’égard des fournisseurs externes. De plus, il est nécessaire d’avoir une coordination étroite au niveau de la recherche.
  • Néanmoins, les pays disposant d’une base industrielle de défense nationale composée principalement de PME continuent de rencontrer de sérieux problèmes pour pénétrer sur les marchés des grands car ils opèrent avec des entreprises de la chaîne d’approvisionnement sur le territoire national.