UNDER PRESSURE

Pour la Commission européenne, cette situation n’aurait pas pu « se produire “sans que certains opérateurs de transport n’aient contribué, sciemment ou non, à l’exploitation de personnes ».

  • Est donc envisagé un « nouveau cadre juridique » qui permettra à l’UE d’adopter des mesures ciblées contre les opérateurs de transport qui pratiquent ou facilitent le trafic de migrants ou la traite des êtres humains à destination de l’Union européenne (voir EIH 18/11).
  • La Commission a aussi décidé de mettre 200 millions d’euros supplémentaires à disposition de la Lettonie, la Lituanie et la Pologne pour gérer la frontière extérieure de l’espace Schengen.
  • Pour autant, selon Dionis Cenusa, le seul recours aux sanctions ne suffit pas à stabiliser la situation en Biélorussie, car “le régime de Loukachenko s’adapte rapidement aux nouvelles contraintes extérieures et la Russie fournit un masque à oxygène.”
  • Le problème réside surtout dans la vulnérabilité de l’UE aux questions migratoires : hostilité des opinions publiques, exploitation des forces politiques hostiles aux migrants et à l’UE. Les migrations illégales sont perçues comme provoquant un sentiment d’insécurité pour les citoyens européens, ce qui implique également une dépendance vis-à-vis des pays de transit. Ceci expliquerait pourquoi les réseaux criminels organisés ainsi que certains acteurs étatiques autocratiques sont prêts à exploiter la faiblesse de l’UE en agissant de la sorte (dans le passé, Mouammar Kadhafi, plus tard Tayyip Erdogan et, plus récemment, Alexandre Loukachenko).
  • Dans son article, M. Cenusa propose 3 scénarios qui peuvent avoir une valeur tactique pour Loukachenko.
    • Le premier, déjà en cours, est celui de la crise humanitaire. Il a pour but  de  discréditer  l’Union  européenne  auprès  de  la population biélorusse et de se faire passer pour un sauveur de migrants, dans le contexte d’une guerre de l’information massive, dans laquelle la Biélorussie a le soutien des responsables russes et de la presse pro-Kremlin. Pour exemple : la télévision d’État russe a montré des centaines de migrants dans un centre couvert mis en place par les autorités biélorusses près de la frontière où des familles ont passé la nuit, alors qu’ils sont maltraités en Pologne.
    • Le deuxième scénario, qui selon les dires des autorités biélorusses est en cours, a pour intention de signer un  accord  sectoriel afin de  résoudre  la crise  migratoire. Ce scénario est inspiré des accords entre l’UE et la Turquie de 2015 et serait bénéfique pour Loukachenko car il obligerait l’UE, ou les acteurs politiques représentant les intérêts européens (comme Angela Merkel), à trouver un terrain d’entente pour remédier à la situation.
    • Enfin, le troisième scénario est celui d’une confrontation militaire entre, d’un côté, la Pologne et l’OTAN et, de l’autre, la Biélorussie et la Russie qui masse des troupes à côté de la frontière biélorusse et qui, selon une source ukrainienne citée par ECFR, réalise des exercices militaires dans le pays (voir EIH 18/11).
      • Rappelons que plusieurs   mouvements   militaires russes semblent se produire  en  même  temps,  sans être nécessairement liés (cf. carte réalisée par The Times et The Sunday Times). Certains semblent concerner uniquement l’Ukraine, tandis que d’autres peuvent représenter un danger pour l’Union européenne et l’OTAN en général.
      • Les événements actuels autour de la Biélorussie relient étroitement la situation de l’Ukraine en matière de sécurité au reste de l’Europe. Les États-Unis envoient déjà des flottes aériennes et navales en mer Noire et en Pologne en guise de signal de dissuasion, et il semblerait que cela fonctionne.
      • Selon le chercheur Gustav Gressel, le langage militaire “est le seul langage que Moscou comprend vraiment. Malheureusement, la plupart des Européens n’ont pas encore appris à le parler.”
  • Dans ce contexte inédit, dans son éditorial du mercredi 24 novembre, Pierre Haski souligne le rôle particulier que joue la Lituanie, petit État balte à la frontière extérieure de l’UE, devenu l’un des fers de lance d’une certaine idée de la politique européenne étrangère, contre la Chine ou la Biélorussie manipulée par Moscou.