BARBICHETTE

Le 27 octobre la sentence est tombée : la Cour de Justice de l’UE condamne la Pologne à une astreinte de 1million d’€ par jour jusqu’à la suspension de sa législation nationale en infraction avec le droit européen, en particulier en ce qui concerne la Chambre disciplinaire de son Tribunal Constitutionnel.

  • Suite judiciaire du bras de fer qui oppose Varsovie à l’ordre juridique européen, cette condamnation intervient alors que le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, au moment du sommet avait tenté de se défendre : « Nous respectons la supériorité du droit européen sur le droit national » mais uniquement « dans les domaines où les compétences ont été transférées aux institutions européennes ».
    • Contexte explique qu’il reprend ainsi les éléments de l’arrêt du tribunal, selon lequel chaque pays peut organiser comme il l’entend son système judiciaire.
  • Et si la Pologne  avait raison  en  ce  qui concerne  la  suprématie de l’ordre juridique de l’UE ? Pour Stefan Auer, professeur d’études européennes, et Nicole Scicluna, professeure adjointe en études gouvernementales et internationales, ce n’est pas l’avenir de la Pologne au sein de l’UE qui est en danger avec la décision du tribunal polonais, mais l’avenir de l’UE comme quasi-fédération puisqu’elle révèle des faiblesses majeures qui sous-tendent l’identité même de l’UE en tant que communauté de droit.
    • Le principe de suprématie de l’ordre juridique de l’UE n’a jamais été inscrit dans le traité de Rome de 1957, ni dans aucun traité de l’UE ultérieur. Il a été établi par la Cour de Luxembourg elle-même, dans l’arrêt de 1964 Costa contre ENEL, aux fins de justifier l’harmonisation au quotidien par les juges nationaux de droit commun dans le cadre du règlement des litiges.
      • Le grand succès de l’UE en tant que communauté de droit réside dans le fait que les autorités nationales ont maintenu ce principe jusqu’alors, bien qu’il n’ait jamais été expressément approuvé par les pays membres de l’UE.
    • De plus, lorsque les pays membres de l’UE ont eu l’occasion de reconnaître explicitement la primauté du droit de l’UE sur le droit national, ils ne l’ont pas saisie. Le traité établissant une Constitution pour l’Europe comprenait un article consacrant la suprématie juridique de l’UE. Cette disposition, entre autres, a été supprimée du texte successeur, le traité de Lisbonne.
    • Les deux professeurs concluent : “L’UE est un régime politique expérimental en évolution qui n’est ni une fédération à part entière, ni simplement une communauté d’États-nations souverains. Sa forme et son avenir sont décidés par les nations membres qui la constituent, et cela inclut la Pologne, aussi problématiques que puissent paraître ses positions.”

Pendant ce temps, en France, les « sommets du droit public » tentent d’apporter quelques contours au flou artistique.

  • Le Conseil constitutionnel réaffirme la « complémentarité » (et non la concurrence) des principes constitutionnels français et du droit européen dans le commentaire sur sa décision du 15 octobre.
    • Il rappelle que relèvent d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France les règles ou principes qui  ne trouvent pas de protection équivalente dans le droit de l’Union européenne.
    • Un exemple est donné : l’interdiction de déléguer l’exercice de la force publique à des personnes privées, sur le fondement de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
    • C’est en ce sens qu’il faut comprendre la tribune publiée dans Le Monde initiée – entre autres – par Vincent Couronne des Surligneurs, “Nous universitaires, refusons le discours opposant souveraineté nationale et primauté du droit de l’Union européenne”.
  • Alors que la désobéissance aux lois européennes fait figure de sport national, quand il s’agit de chasse, le juge des référés du Conseil d’État a suspendu, dans une ordonnance du 25 octobre, les nouveaux arrêtés gouvernementaux autorisant des chasses d’oiseaux dites traditionnelles.