GREMLINS

Le 23 mai 2021, le régime biélorusse a détourné et forcé à atterrir, à Minsk, un vol commercial transportant à son bord des opposants au régime, le journaliste Roman Protassevitch et sa compagne, aux fins de les arrêter et les détenir. Cet acte qualifié de « terrorisme d’État », en violation de l’espace aérien européen, a provoqué de vives réactions dans l’ensemble de la communauté internationale.

  • C’est un test en conditions réelles pour la capacité de l’UE à tenir le langage de la puissance, dans un environnement stratégique de plus en plus hostile.
    • Toutefois, si l’unité européenne est sortie consolidée du sommet européen du lundi 24 mai 2021, la principale décision, consistant à renforcer le régime des sanctions à l’encontre de Minsk, a surtout souligné la faiblesse de l’arsenal des 27.

  • Le sommet européen prévu ce lundi a vu son agenda bouleversé par l’acte biélorusse. Le Conseil européen s’est prononcé pour des sanctions élargies et une interdiction de vol pour la compagnie aérienne nationale sur les aéroports de l’UE. Les entreprises et les oligarques accusés de financer les 27 ans de règne de Loukachenko sont aussi visés.

  • Alexandre Loukachenko, le président biélorusse, a de son côté renforcé son contrôle du pays, avec une série de lois lui donnant le pouvoir de suspendre les réseaux de télécommunications, de bloquer les médias et d’interdire les sondages d’opinion non autorisés. En outre, le journaliste interpellé, Roman Protassevitch, pourrait être condamné à la peine de mort.
  • Cette arrestation sauvage en dehors du territoire national peut suggérer deux réactions à propos du régime Loukachenko. La première, il s’agirait d’un aveu de faiblesse devant les forces contestataires. La seconde manifesterait le signe d’une grande confiance dans la faiblesse des réactions européennes et dans le soutien du voisin russe.  Là se trouve l’« éléphant dans la pièce » : de l’aide opérationnelle éventuelle aux déclarations publiques de soutien, quel est le degré réel d’implication, ou non, du Kremlin ?  Ces derniers mois, l’UE n’a pas réussi à faire face aux tensions croissantes avec le régime biélorusse, en voie de radicalisation consécutivement aux élections contestées de l’été dernier.
    • La menace constante à sa frontière orientale et le rapprochement avec Kremlin mettent l’Union dans une situation difficile.

  • « L’acte de Loukachenko était un test que l’UE ne pouvait se permettre d’échouer », explique Ben Hall l’éditeur Europe du Financal Times. « C’était aussi un test facile à réussir ». « Les faibles attentes en disent long », a déclaré Rosa Balfour, directrice de Carnegie Europe.

  • La tentation d’également renforcer la pression sur la Russie par des sanctions massives est grande. Comme Mario Draghi l’a rappelé hier, l’Europe représente 70 % de tous les investissements étrangers en Russie. Cependant, deux nuances doivent être prises en compte :

    • D’abord, comme déjà évoqué, l’Europe a accru sa dépendance, notamment énergique, vis-à-vis de la Fédération russe. Les difficultés pour interrompre le projet Nord Stream 2, malgré les pressions de l’Ukraine elle-même menacée par la Russie – sans grande réaction européenne – le prouvent.
    • En outre, les relations sino-russes sont « au meilleur niveau de leur histoire » comme l’a déclaré Vladimir Poutine, la semaine dernière, lors de la visite de Yang Jiechi chef du comité central des affaires étrangères chinois.
      • Cette visite en Russie pour une consultation stratégique et de sécurité suggère des chaînes de solidarité dont on ne sait pas encore si elles inquiètent l’Union.