Dassault revendique un leadership fort sur le projet, mais Airbus refuse qu’un seul industriel capte l’essentiel des tâches alors que le financement est tripartite (France, Allemagne, Espagne). Une lettre du ministère allemand de la Défense au Bundestag reproche même à la partie française de vouloir « s’approprier » le programme, bloquant la contractualisation de la prochaine phase.
- Aux problèmes des egos industriels, s’ajoutent surtout des divergences opérationnelles:
- Le résultat est un blocage qui met en jeu bien plus qu’un partage de travail : la crédibilité même de l’autonomie stratégique européenne.
- Face à l’enlisement du projet d’avion franco-allemand, Berlin explore des scénarios « plan B » si Dassault maintenait sa revendication d’environ 80 % des tâches dans le pilier avion :
- Remplacer la France par un autre partenaire (Royaume‑Uni, Suède),
- Poursuivre avec l’Espagne en excluant Paris.
- Cependant, la fenêtre pour rejoindre en acteur de premier rang le programme concurrent GCAP (Royaume‑Uni, Italie, Japon) se referme :
- la répartition industrielle y est déjà très avancée et une participation pleine à la conception devient improbable.
- À cela s’ajoute une difficulté politique : plus l’Europe externalise ses programmes structurants, plus la question de la souveraineté – et des dépendances extra‑européennes, ici jusqu’au Japon – se tend.
- Si le FCAS tombe, à court et moyen termes, Paris prolongerait la vie du Rafale par des évolutions profondes (nouvelles tranches, senseurs, connectivité), tout en s’attaquant à la question de la future arme nucléaire ASN4G et de la remotorisation (piste M88 « T‑Rex »).
- Côté allemand, l’atterrissage serait plus incertain : Airbus, Hensoldt ou MTU devraient clarifier leur trajectoire entre prolongation de l’Eurofighter, achats américains (F‑35 déjà commandé) et coopération partielle sur GCAP, sans garantie d’un rôle de premier plan.
- Pendant que les négociations patinent, l’écosystème technologique, lui, continue d’avancer – bon indicateur de ce que pourrait être la « 6e génération » par incréments.
- Les essais d’un radar AESA MK1 (E‑Scan) d’Airbus sur un A320 de recherche du DLR en sont l’exemple même.
- Autrement dit, même si l’architecture FCAS patine, certaines briques clefs (capteurs, EW, connectivité) progressent et irriguent déjà les flottes actuelles – un atout si l’on choisit une montée en maturité progressive vers la 6e génération.
- Il reste une possibilité de relancer le projet de FCAS :
- en clarifiant le leadership par piliers, en sécurisant la part de chacun et en jalonnant la feuille de route jusqu’au démonstrateur, avec un verrou politique fort.
- C’est le sens du « c’est l’État qui paie, donc l’État décide ».
- C’est aux gouvernements d’imposer la coopération à leurs champions nationaux.
- Faute de quoi, la « politique du meilleur athlète » risque de virer à la politique du moindre mal : prolonger l’existant, acheter à l’extérieur et repousser l’autonomie stratégique à plus tard.