Après un rapport des parlementaires français (cf EIH) sur l’impact du Covid-19 sur l’État de droit en Europe, l’institut Jacques Delors a publié en octobre un rapport intitulé “Bilan de santé politique et démocratique de l’Europe à l’épreuve du Covid” qui passe en revue l’intensité et la nature des mesures restrictives de liberté prises durant la pandémie ainsi que leurs conséquences sur le fonctionnement futur des démocraties.
- L’étude indique trois types de transformations provoquées par la pandémie :
- institutionnelle, c’est-à-dire une évolution des lois qui sont plus restrictives en matière de liberté ;
- relationnelle entre les citoyens et leurs institutions ;
- de l’opinion publique dans son rapport aux institutions.
- L’auteur et professeur de science politique à l’Université catholique de Lille (ESPOL), Thierry Chopin, précise que le Covid a accentué une tendance qui était déjà à l’œuvre avant la pandémie et s’inquiète du maintien de cette tendance lourde.
- Les démocraties solides, comme celles d’Europe du Nord, ont plutôt renforcé le contrôle du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif.
- Tandis que dans les pays se dirigeant vers l’autoritarisme ou lesdites démocraties illibérales, la crise a accéléré la dégradation de la démocratie en faveur des exécutifs
- D’autre part, Thierry Chopin plaide pour une intégration juridique au niveau européen.
- Avec Jean-Baptiste Roche, normalien et étudiant en droit, il insiste sur ce principe fondamental : pas d’Union politique sans primauté du droit de l’Union. Ils rappellent que la primauté du droit européen n’est pas une nouveauté.
- Contrairement à Stefen Auer et Nicole Scicluna (voir EIH 28/10), ils estiment que sa logique est présente depuis le traité de Rome de 1957 et a été explicitée par la Cour de justice de l’Union dès 1964 dans son arrêt Costa c. Enel.
- Cette articulation entre primauté du droit de l’UE et ordre constitutionnel interne des États membres revêt plusieurs implications :
- Si une incompatibilité entre leur Constitution et le droit de l’Union survient, les États membres ont la liberté d’amender leur Constitution ou de quitter l’Union. Ainsi, les États demeurent souverains.
- En outre, chaque tribunal national peut imposer une ligne rouge pour indiquer quand il estime que le droit de l’UE va trop loin.
- Cette ligne rouge est généralement posée en lien avec la crainte que la souveraineté partagée ne menace le noyau dur de l’identité constitutionnelle nationale.
- En France par exemple, ce garde-fou est la doctrine des « principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France » (voir EIH 21/10).
- Les auteurs précisent toutefois que “ce fonctionnement devient pathologique dès lors qu’il tourne à l’affrontement”, comme cela a été le cas en mai 2020 en Allemagne.
- Il est aussi rappelé que l’UE prend en compte les différentes identités nationales.
- L’article 4 du traité de l’UE affirme que « l’union respecte (…) l’identité nationale des États membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles (…) ».
- Ceci devrait rassurer les candidats à la primaire de la droite, en France, dont le premier débat de mardi soir a surtout souligné les difficultés à articuler dimension politique nationale et cadre européen (entre autres, comme le souligne l’éditorial de Thomas Legrand du 9 nov.)