Actuellement en négociations au Parlement européen et au Conseil de l’UE, le Digital Services Act (DSA) n’est pas seulement une législation industrielle. Elle a des implications majeures en termes d’État de droit.
- Dans son approche générale, le Conseil maintient la mention du retrait en 24 heures de la majorité des contenus illicites signalés et la supervision des très grandes plateformes confiée à la Commission. Toutefois, les députés européens, soumis à un intense lobbying de la part des grands acteurs du numérique sont plus en décalage et certaines de leurs propositions heurtent les experts.
- Ainsi, selon un collectif d’experts et la lanceuse d’alerte Frances Haugen, les plateformes ne devraient pas pouvoir invoquer le secret lié à la sécurité ou le secret commercial comme excuse pour ne pas accorder l’accès aux données qui sont nécessaires pour protéger l’intérêt public.
- La commission des affaires juridiques a proposé une clause d’exemption de modération pour les médias qui est fortement critiquée : cette clause compromettrait les années d’efforts dans la lutte contre la désinformation.
- Du fait de la définition large et ambiguë des termes « publication de presse » et de « service de médias audiovisuels », cette clause protègerait les comptes qui se disent être des médias mais diffusent en réalité des informations fausses, haineuses ou trompeuses (EU DisinfoLab a révélé l’année dernière que plus de 750 médias, répartis dans 116 pays, participaient à une importante opération indienne de désinformation).
- Cette clause empêcherait voire dissuaderait les plateformes de prendre des mesures correctives volontaires alors qu’elles agissent normalement de façon arbitraire dans leurs décisions de modération de contenu.
- Enfin, l’efficacité de la législation serait compromise si une telle exception était autorisée, alors qu’elle pourrait devenir le standard mondial si elle était appliquée avec fermeté.
- Aurélie Jean, docteure en sciences des matériaux et en mécanique numérique, défend de son côté la nécessité de mettre au point un statut juridique pour les lanceurs d’alerte. Elle espère voir dans le DSA le renforcement et la clarification de ce statut.
- La Présidente de SilicoVeritas explique que les lanceurs d’alerte prennent de gros risques lorsqu’ils exercent leur métier alors qu’ils ne devraient pas.
- En effet, un lanceur d’alerte, dans sa définition littérale, a toujours de bonnes intentions et se penche, sans chercher à nuire inutilement, sur un sujet d’utilité publique uniquement, précise-t- elle dans Le Point.
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- De plus, ces informateurs sont aujourd’hui nécessaires, à défaut d’une réglementation stricte sur les algorithmes des grandes plateformes mais aussi en l’absence d’autorégulation et de posture responsable de la part de certains acteurs techniques.
- En France, la loi Sapin II reconnaît au lanceur d’alerte un rôle d’intérêt général et une position sur l’échiquier social et juridique.
- Malheureusement, tous les États membres ne reconnaissent pas ce statut, ce qui constitue un obstacle pour ces informateurs qui agissent souvent au-delà des frontières de l’État dont ils ont la nationalité.