Au-delà de l’extraordinaire mobilisation citoyenne en France qui a souligné la centralité des questions de santé publique en matière d’écologie, la loi Duplomb a surtout mis en exergue une contradiction fondamentale de l’UE sur la réglementation des pesticides. Car les défenseurs de la loi ont beau jeu de rappeler que l’acétamipride reste autorisé dans toute l’Union européenne et est largement utilisé en arboriculture et dans la production de légumes, alors que la France avait plaidé pour son interdiction en 2020 en invoquant sa toxicité.
- Ce pesticide est d’ailleurs le dernier néonicotinoïde encore approuvé au niveau européen, les autres ayant été bannis.
- Pour ses opposants comme l’eurodéputé David Cormand (FR-Verts), la réintroduction envisagée illustre un recul écologique aligné sur les remises en cause du Pacte vert, et reflète la logique d’une agriculture industrielle jugée destructrice.
- La question dépasse donc le cadre national, car c’est l’Union européenne qui encadre la mise sur le marché et l’usage des pesticides.
- Chaque substance doit être approuvée par la Commission européenne, après avis scientifique de l’EFSA et consultation des États membres réunis au sein du comité Scopaff.
- L’autorisation est toujours limitée dans le temps, pour un maximum de 15 ans, et peut être révisée, comme ce fut le cas pour le glyphosate en 2023.
- L’UE fixe également les limites maximales de résidus dans les denrées alimentaires, généralement 0,01 mg/kg, mais ajustées produit par produit.
- Pour l’acétamipride, ces seuils ont récemment été relevés, avec l’aval de l’EFSA, jusqu’à 0,04 mg/kg pour les prunes et 0,3 mg/kg pour le miel.
- Ainsi, même si la loi Duplomb n’a pas permis sa réintroduction en France, d’autres pays européens peuvent exporter des produits qui en contiennent.
- Dans l’attente d’alternatives solides à ces produits phytosanitaires, le ministère de l’Agriculture a autorisé certains produits de substitution et mobilisé 140 millions d’euros via le plan Parsada pour financer la recherche de solutions.
- L’Anses rappelle toutefois qu’aucune autre famille de produits ne peut, à elle seule, remplacer les néonicotinoïdes, ce qui impose une combinaison de méthodes.
- Ce n’est pas la première fois que la France et l’UE se heurtent à ce type de problématique :
- en 2023, la Cour de justice de l’Union européenne avait jugé illégales les dérogations françaises pour les néonicotinoïdes, contraignant le gouvernement à y mettre fin.
Au-delà du volet réglementaire, le débat met en lumière deux visions opposées de l’agriculture européenne : productiviste, commerciale et intensive, vs. locale, écologique et paysanne. La controverse n’est pas finie.