Prise entre sa politique de solidarité envers l’Ukraine agressée et les colères des agriculteurs confrontés aux disruptions de concurrence causées par les importations de produits agricoles ukrainiens, la Commission européenne, cherche l’équilibre. Elle entend bâtir le futur cadre commercial sur la base de l’accord de 2016, tout en intégrant des garanties pour les filières agricoles sensibles. « Qu’en est-il du préjudice moral ? Il ne se chiffre pas en milliards, mais en millions de citoyens ukrainiens qui soutiennent l’intégration dans l’UE », a déclaré Vitaly Koval, ministre ukrainien de l’Agriculture, le 26 mai à Bruxelles, dénonçant la frilosité de l’UE face aux promesses faites à Kiev.
- Plutôt que de proposer immédiatement un nouvel accord, la Commission a mis en place des mesures de transition, adoptées le 22 mai, qui réintroduisent partiellement les quotas et droits de douane.
- Une manière pour Ursula von der Leyen de gagner du temps mais qui attise les critiques à Bruxelles comme à Kiev.
- Le commissaire à l’Agriculture, Christophe Hansen a exprimé des préoccupations concernant la prolongation indéfinie des mesures commerciales autonomes (ATM) accordant un accès libre de droits aux produits agricoles ukrainiens.
- Il a souligné la nécessité de protéger les marchés agricoles des États membres de l’UE les plus affectés.
- Il plaide aussi pour une révision des ATM, avec l’introduction de mécanismes de sauvegarde ciblés, plutôt que pour une prolongation automatique et illimitée de ces mesures.
- L’objectif est désormais de passer à un régime commercial stable, compatible avec les ambitions d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, tout en protégeant les secteurs agricoles vulnérables.
- Selon Contexte, le futur accord pourrait distinguer trois types de produits :
- sensibles (comme la volaille, le sucre, les œufs), potentiellement sensibles et non sensibles.
- Des mesures de sauvegarde pourraient être mises en place pour les premiers mais cette approche « d’équilibre » peine à convaincre.
- Du côté des organisations agricoles européennes (Copa-Cogeca, CEPM, etc.), on exige un retour aux quotas d’avant-guerre.
- « Nous demandons une révision de l’accord d’association établissant des contingents tarifaires similaires à ceux d’avant la guerre ».
- À l’opposé, des voix pro-libéralisation dénoncent un recul de l’UE dans son soutien à l’Ukraine.
- « C’est une méthode digne de Donald Trump », fustige l’eurodéputée Karin Karlsbro (Renew).
- Au cœur des tensions : les normes de production.
- Les agriculteurs européens pointent du doigt la concurrence déloyale que représente l’Ukraine, où les grands groupes comme Myronivsky Hliboprodukt (MHP) appliqueraient des standards en matière de bien-être animal, d’usage des pesticides, ou de traçabilité, bien inférieurs aux règles européennes.
- Si Kiev affirme respecter des normes strictes et avoir engagé l’alignement réglementaire, les contrôles restent jugés insuffisants par plusieurs filières européennes.
- Alors que les négociations s’annoncent difficiles, la dimension politique est omniprésente.
- Le ministre polonais de l’Agriculture, Czesław Siekierski, a salué le retour aux quotas comme une victoire politique à l’approche d’élections nationales.
- De son côté, Vitalii Koval a dénoncé un processus influencé par les « calendriers électoraux » plus que par des critères économiques.
- Le gouvernement ukrainien, inquiet, rappelle que l’agriculture représente désormais 70% du PIB du pays, après les ravages de la guerre sur les industries lourdes.
- Selon Kiev, la réintroduction des contingents tarifaires pourrait coûter entre 2,8 et 3,5 milliards d’euros à l’économie ukrainienne en 2025.
- Pour l’heure, les États membres de l’UE divergent sur le calendrier des discussions :
- L’Ukraine appelle à un accord d’ici fin juillet, mais plusieurs pays, dont la Pologne, souhaitent temporiser.
- Pendant ce temps, les filières agricoles européennes s’organisent pour peser dans le débat.