Il n’y a pas que sur le domaine de la transition énergétique que les ambitions vertes de l’UE se retrouvent confrontées aux difficultés liées à son insertion dans les marchés mondialisés (EIH 5/5/22).
- La transition agroécologique initiée par le Green Deal (EIH 24/2/22) mène l’UE à une double contradiction majeure.
- La première a égard à ses importations agricoles, qui bien que présentant seulement 17% de la consommation alimentaire, concentrent 46% de son « empreinte phytosanitaire ».
- La deuxième, concerne les pesticides interdits dans l’UE, qui en grande partie sont toujours produits… en Europe.
- Le paradoxe est donc criant : l’UE exporte chaque année pour 6,6 milliards d’euros de ces substances.
- Face à cette double incohérence, l’Observatoire européen de la fiscalité propose l’instauration d’un mécanisme d’ajustement phytosanitaire aux frontières, inspiré du CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanism), qui vise déjà à tarifer les émissions de CO₂ des importations industrielles.
- L’idée est d’éviter que le durcissement des normes environnementales européennes ne pousse à la délocalisation des usages de pesticides vers des pays tiers,
- sur le modèle des “fuites de carbone”, au détriment de la question de la biodiversité, qui est, elle, un enjeu mondial.
- En effet, si l’Europe interdit des substances comme le paraquat ou limite fortement le glyphosate (dont le renouvellement de son autorisation est une véritable saga depuis 2017 – EIH 26/11/23) les produits alimentaires qui en contiennent reviennent largement par les importations.
- Notamment en provenance du Mercosur, qui représente 24,6 % de l’empreinte glyphosate européenne tout en ne pesant que 6,3 % des volumes consommés.
- Trois scénarios ont été modélisés par l’Observatoire, avec des résultants très différents les uns des autres.
- Si chacun des scenarios considère un maintien de l’objectif de réduction de 50% des usages de pesticides instauré par le pacte vert :
- le premier, sans taxe, aboutit à une augmentation des importations (+30 % de blé, +8,3 % de maïs), aggravant l’empreinte environnementale
- le deuxième introduit une taxe « compensatoire » pour maintenir la part de marché des producteurs européens, sans effet direct garanti sur l’environnement ;
- le troisième repose sur une taxe fondée sur les résidus de pesticides, applicable à tous – Européens comme non-Européens – ce qui renforcerait à la fois la compétitivité locale (car l’agriculture européenne contient moins de résidus que celle importée) et la durabilité globale.
- Toutefois, ce mécanisme présente de nombreux défis comme la mesure précise des résidus, le tracement des molécules utilisées ou encore l’évitement des contournements commerciaux, pour ne citer que ces points.
- Enfin, cette idée s’inscrit à la suite du projet de taxation des pesticides défendu par l’eurodéputée Sarah Wiener (AT-Verts) en février 2023, qui milite pour instaurer une taxe en fonction du niveau de risque afin de financer des alternatives durables
- Ainsi, la “taxe pesticides aux frontières” incarne une tentative de résoudre un double dilemme :
- aligner compétitivité et écologie d’une part, et éviter l’hypocrisie commerciale d’autre part.
- Elle constituerait, alors, une avancée vers une politique commerciale européenne réellement cohérente avec ses ambitions environnementales.
- Mais sa mise en œuvre exigera du courage politique au moment même où la loi Omnibus a largement assoupli les règles à l’égard du CBAM (Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières).