OBSEDETTE   

L’Etat de droit est conçu comme une protection, une garantie que les ambitions politiques et les changements de majorité qui caractérisent l’alternance démocratique ne viennent pas remettre en cause les grands principes qui régissent notre organisation collective. Mais que faire quand le grand principe était l’expression d’une préférence politique, et non pas celle d’un droit fondamental ? C’est le cas de l’obligation d’avoir un budget à l’équilibre, constitutionnalisée en 2009 avec le gouvernement  Merkel, sous le nom de “Schuldenbremse” (frein à la dette). C’est dans ce genre de dilemme que l’Allemagne se retrouve coincée ces derniers jours, entrainant dans ses contradictions l’ensemble de l’UE, à l’heure où se renégocient les critères du pacte de stabilité et de croissance qui régit la monnaie commune. 

 

  • Une décision du 15 novembre 2023 du tribunal constitutionnel fédéral déclarant “inconstitutionnels” les derniers budgets de la coalition gouvernementale a plongé l’Allemagne dans une profonde crise budgétaire, embarrassante et conflictuelle.  
  • Puisqu’aucune affaire n’est purement nationale dans une communauté politique et juridique comme l’Union européenne, les difficultés de Berlin sont aussi celles de ses partenaires et des institutions européennes.  
  • Si l’Allemagne est rendue constitutionnellement incapable d’investir dans la transition énergétique et la transformation de son modèle économique, c’est toute l’Europe qui s’en trouve concernée. 

 

  • Aux origines de cette crise se trouve l’accumulation des grandes crises récentes : 
  • En 2021, la crise économique liée à la pandémie et au ralentissement brutal de l’économie mondiale force le gouvernement fédéral d’Angela Merkel à adopter rétroactivement un deuxième budget supplémentaire.  
  • Pour Christian Linder, du parti libéral FDP, déjà ministre des Finances à l’époque, il s’agissait de prouver que le gouvernement fédéral peut réagir et répondre aux crises. 
  • Sans rompre avec l’obligation constitutionnelle d’équilibre budgétaire, ce deuxième véhicule contournait le Schuldenbremse.  

    

  • Fondée sur le raccourci historique qui considère l’inflation et le déficit budgétaire comme des dangers pour la stabilité gouvernementale et des terreaux de l’extrémisme, cette orthodoxie budgétaire fait partie des obsessions politiques relativement consensuelles dans l’ensemble de la classe politique allemande.  
  • Au plus fort de la crise des dettes souveraines, c’est cette discipline budgétaire que l’Allemagne et quelques pays dits “frugaux” ont imposée à l’ensemble de leurs partenaires de l’Euro, pour éviter l’explosion des dépenses publiques qui serait selon les monétaristes orthodoxes à l’origine de la crise en question. 
  • Quand le respect de la constitution hypothèque le futur c’est le signe d’un tournant capital pour l’avenir d’une société.