12 MONKEYS

Nouveau champ des guerres culturelles, l’écologie devient en outre un marqueur de l’état de droit, en particulier avec la conclusion des négociations institutionnelles pour l’établissement d’un crime d’écocide. Prolongeant les initiatives citoyennes qui attaquent en justice, pour leurs carences ou inaction climatique, des Etats comme la France les Pays-Bas ou des multinationales cette juridicisation croissante rend le droit de l’environnement plus difficile à contourner pour les acteurs économiques. Au-delà de ces cas spécifiques, l’écologie et l’environnement sont porteurs de nouveaux clivages. 

  • Dénié ou assumé, l’impératif écologique et les conditions de l’habitabilité de la planète s’imposent à toutes les politiques européennes et nationales comme aux comportements individuels. 
  • Le philosophe Bruno Latour le souligne  en désignant ce qu’il appelle un “nouveau régime climatique” mais cela n’emporte pas encore la nécessaire mobilisation partagée,   
  • Nourris aussi bien aux théories conspirationnistes, aux intérêts établis et aux préjugés religieux fondamentalistes chrétiens, des partis politiques ouvertement climatosceptiques existent depuis longtemps aux États-Unis et au Canada.  
  • En revanche, en Europe l’importance de la lutte contre le réchauffement climatique a longtemps bénéficié d’une forme de consensus général, contestée uniquement aux marges. 
  • Alors que les politiques publiques de la transition énergétique et de la protection de l’environnement commencent à faire sentir leurs effets au quotidien, le consensus craque. 

  

  • Conséquence indésirable d’un droit de l’environnement plus exigeant, la réaction des intérêts établis et des Etats bousculés dans leurs priorités se traduit dans une forme de répression des militants écologistes. 
  • Dans le climat sécuritaire qui progresse dans le monde entier, les activistes climatiques font face à une diabolisation croissante en Europe. 
  • Des médias les délégitiment en utilisant un langage qui les présente comme des ennemis de la société, en créant une opposition entre « nous » et « eux ». 
  • Cette double peine, où l’accent est mis sur leurs actions plutôt que sur les raisons du dérèglement climatique, crée une confusion qui discrédite leur combat.  
  • Ce traitement médiatique peut conduire à des violences et des menaces à l’encontre des activistes écologiques, jusqu’à être assimilés, sans vergogne ni nuance, par certains discours politiques à des formes de terrorisme.  
  • Le danger est de faire coïncider les préoccupations écologiques avec les autres clivages actuels.  
  • Fortement empreinte d’une dimension générationnelle évidente (cf. cette émission de France culture), elle accompagne aussi d’autres polarisations politiques.  
  • Les activistes du climat et l’électorat sensible à l’écologie sont souvent aussi des progressistes, multiculturalistes ancrés à gauche. 
  • Les climato-sceptiques, ou ceux qui en minimisent l’urgence, se trouvent à droite de l’axe politique, voire à l’extrême droite. 

 

  • Au cours de la révolution industrielle, les Européens et les Occidentaux ont fondé leur mode de vie et leur confort matériel sur l’exploitation des ressources naturelles, sans se préoccuper des impacts de leur action sur la terre.  
  • Ceci rend donc plus difficile de se mettre d’accord sur les réponses à apporter et remet en question même la nécessité d’apporter des réponses en termes de politiques publiques. 
  • Cependant, avec la prise de conscience des externalités négatives de l’activité humaine et des limites planétaires, l’urgence de changer l’approche se fait plus forte.  
  • C’est là que le droit et le rôle du juge quant aux responsabilités entrent en jeu. 
  • La comparaison entre la réaction aux guerres et au réchauffement climatique est d’ailleurs frappante, explique cette analyse de l’historien australien et américain d’origine indienne Depesh Chakrabarty. 
  • Les dirigeants occidentaux, et au-delà, ne traitent pas ces deux menaces avec la même énergie, bien que les conséquences du réchauffement climatique soient de plus en plus évidentes et bien plus graves encore à long terme. 
  • L’absence d’un sentiment d’unité contre le réchauffement climatique est manifeste, en contraste avec la mobilisation rapide observée pendant les guerres. 
  • Pour l’historien, il faudrait mettre en place une protection de l’environnement similaire au droit de la guerre pour garantir la préservation des sites naturels, considérés à la fois comme des biens communs de l’humanité et des propriétés nationales. 

 

La question du modèle de développement ne se limite pas seulement aux excès de la révolution industrielle occidentale. C’est l’ensemble du monde qui est concerné. Et le climat fait émerger un autre clivage Nord-Sud que les COP illustrent de façon éloquente.