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Les périodes dérogatoires du droit commun constituent, par essence, une épreuve pour l’État de droit mais elles ont au moins la vertu d’illustrer ses ambitions et mettre en lumière réussites et échecs.

  • Dans ses composantes constitutionnelles d’abord.
    • Ainsi, le député français, candidat à l’élection présidentielle, lors d’un discours tenu devant l’Assemblée nationale, sous les huées,  regrette la fourniture d’armes à l’Ukraine par l’Union européenne, car « Cette décision ferait de nous des cobelligérants. Un engrenage s’enclenche, avec quelle légitimité ? Quand notre Parlement l’a-t-il décidé ? ».
    • Outre les postures de campagne, l’enjeu juridique et politique est ailleurs : quel est le cadre juridique qui permet ces livraisons d’armes à l’Ukraine pour sa défense contre l’agression russe ?  Les Surligneurs nous éclairent sur les éléments juridiques soutenus par Jean-Luc Mélenchon à travers ce discours, tout en mettant en avant une certaine contradiction juridique.
      • Le premier enjeu est celui de la compétence souveraine du Parlement français, dans tout déclenchement d’une guerre, l’article 35 de la Constitution française dispose que « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ». Or, fournir du matériel militaire n’est pas comparable avec une déclaration de guerre. Il n’y a pas eu violation de la Constitution.
      • Le second enjeu est cette contradiction juridique du candidat de l’Union de la gauche s’expliquant par sa préférence pour une Ukraine “neutre” et l’ouverture d’une session extraordinaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
      • Selon les Surligneurs, de telles décisions prises par le Parlement français mettraient ce dernier en position d’être capable de décider de l’avenir de l’Ukraine sur le plan militaire. Ce que, évidemment, rien ne justifie juridiquement.
    • La France comme centre du monde et maître unique de son destin ne semble plus être un argument de poids dans cette campagne présidentielle qui s’annonce bien morne.

  • Au niveau des institutions européennes, la décision d’exportation d’armes dans une zone de conflit est sans précédent pour l’Union européenne car elle rompt avec le consensus stratégique européen.  Le Club des juristes nous détaille plus précisément le rôle de l’UE dans le contrôle des exportations d’armes, en général, et dans le cas de la guerre en Ukraine.

o   Le commerce d’armes est reconnu par l’article 346 du TUE, à savoir que chaque État membre peut adopter des mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité mais, en tant que question de politique étrangère, ce commerce relève de la PESC.

  • Malgré des pratiques institutionnelles et des cadres juridiques nationaux divergents, la position commune du Conseil de l’UE de 2008 vient établir des critères généraux permettant une certaine convergence.
  • Ceux-ci ont pu être précisés le 28 février 2022 par deux décisions PESC relatives au financement de la fourniture d’armes à l’Ukraine.
  • Ce financement s’effectue par la FEP (Facilité européenne pour la paix), qui a pour objectif de financer des opérations dans le cadre de la PESC, ou le renforcement des capacités d’État tiers, comme dans le présent cas.
    • Ces textes ne signifient pas qu’il est question d’un achat groupé d’armes par l’UE. En pratique, il se traduit par un remboursement aux États membres de la valeur de matériel fourni à l’Ukraine.
  • En ce sens, ces décisions européennes n’obligent nullement un État membre souverain à fournir des armes, à qui que ce soit.