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Le feuilleton de la taxonomie verte s’est conclu par un compromis franco-allemand très inclusif, qui étend la labellisation verte au gaz et au nucléaire. Dans la nuit du 31 décembre, la Commission européenne a envoyé aux États membres son projet de labellisation verte des centrales nucléaires et de gaz. L’objectif de cette proposition est d’orienter la finance verte vers des activités qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

  • Le texte fixe certes des critères techniques qui permettraient de qualifier de “durables” l’énergie nucléaire et le gaz. Toutefois, les organisations environnementales déplorent un contresens.
    • Les centrales nucléaires déjà existantes qui feraient l’objet de prolongement d’activité, d’ici 2040, seraient obligées de présenter, d’ici 2025, un plan de gestion de leurs déchets à haute activité qui devra être opérationnel, d’ici 2050. Quant aux nouvelles centrales, elles pourraient bénéficier de financements « verts » si elles sont dotées de fonds dédiés à la gestion de leurs déchets et de leur démantèlement.
      • On peut lire dans Mediapart une précision sur ce point : la Commission européenne valide la stratégie d’enfouissement en couche géologique profonde que la France développe avec le projet Cigéo.
      • Pour GreenPeace France, avec ces critères, seules les centrales nucléaires françaises et finlandaises seraient éligibles au financement vert.
    • Côté gaz, les émissions de gaz à effet de serre « sur le cycle de vie » devront être inférieures à 100 g de CO2e/kWh. Un seuil hors d’atteinte aujourd’hui, selon les experts. Cependant, une période de transition, allant jusqu’à 2030 inclus, est accordée pour certaines centrales émettant moins de 270 g de CO2e/kWh et remplaçant les installations au fioul et charbon, à condition de respecter une dizaine de critères.
      • Ce seuil est inférieur à la moyenne des émissions des centrales à gaz actuellement en fonctionnement en Europe, estimée à 320 g de CO2/kWh selon le Réseau action climat.
      • Le gaz devra aussi être compatible avec les énergies renouvelables.
    • De plus, un critère de transparence est demandé : les investisseurs devront préciser quelle est la part correspondante de ces énergies dans leurs produits financiers respectant la taxonomie verte.

Un des avantages de cette classification est la réduction du coût des financements des projets de la filière du nucléaire.

  • La proposition est provisoire mais, pour Neil Makaroff de Réseau Action Climat, « c’est quand même une victoire symbolique du gaz et du nucléaire », ce qui explique pourquoi le document a provoqué une levée de bouclier (voir EIH 18/11 et 09/12).
    • Les ministres allemands écologistes Robert Habeck et Steffi Lemke s’opposent fermement à celui-ci car ils estiment que le nucléaire produit des déchets radioactifs qui peuvent conduire à une catastrophe environnementale.
      • Le vice-chancelier allemand a même accusé la Commission européenne de “greenwashing”. Sur le gaz, le porte-parole a assuré que tous les membres de la coalition étaient sur la même ligne favorable à son intégration. Des positions divergentes ont pourtant été constatées au cours des derniers jours, avec notamment les Verts contre, et le SPD et le FDP pour.
      • Afin d’éviter des ruptures, les dirigeants des trois partis de la coalition ont convenu d’éviter de lutter contre la proposition de la Commission et de s’abstenir de voter sur le sujet lors d’un prochain sommet européen, a rapporté Reuters.
    • L’Autriche, où les Verts sont aussi en coalition, a de son côté réitéré sa menace de poursuivre la Commission européenne en justice si ces propositions de taxonomie étaient actées (voir EIH 14/10). Elle estime que l’énergie nucléaire est trop coûteuse et trop lente pour lutter contre le changement climatique.
    • Tandis que le Luxembourg et l’Espagne sont aussi contre cette classification, la France indique que « le projet de texte correspond à ce que nous souhaitions », selon les termes de Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, dans Les Échos, pour qui les énergies renouvelables sont actuellement toujours insuffisantes.
    • Pendant ce temps, en Belgique, le 23 décembre, les partis de la coalition gouvernementale où siègent les partis verts ECOLO et Groen! ont trouvé un accord actant la sortie du nucléaire. Il prévoit que les sept réacteurs belges, tous opérés par le groupe français Engie, seront arrêtés à l’horizon 2025.
      • Cette sortie du nucléaire reste toutefois conditionnée à « la sécurité d’approvisionnement et [à] la maîtrise des prix », a déclaré le Premier ministre belge, Alexander De Croo.