Depuis la crise de l’accueil des réfugiés en 2015, et encore plus avec la crise humanitaire aux frontières extérieures de l’UE, l’agence des frontières de l’UE, Frontex, est au centre de l’attention. Si sa responsabilité a été renforcée au travers des règlements 2016/1624 et 2019/1896, l’engagement de cette responsabilité reste, en pratique, difficile. Depuis plusieurs années, différentes institutions et ONGs pointent du doigt certaines dérives coupables imputables à l’agence.
- Ninon Forster, maîtresse de conférences, revient sur ces critiques et précise “qu’elles reposent sur une approche globale de la responsabilité qui embrasse des acceptions de la notion dont la nature diffère.”
- Elle décompte alors les différentes responsabilités de l’agence (responsabilité politique, pénale, civile contractuelle et non- contractuelle) avant de revenir précisément sur la querelle autour de la responsabilité civile de Frontex.
- Elle s’interroge particulièrement sur le fait de savoir si l’engagement de la responsabilité civile de l’agence peut réellement permettre une meilleure réparation des dommages causés aux victimes des contrôles aux frontières extérieures.
- Elle indique en premier lieu que l’obstacle à l’engagement de cette responsabilité civile est “l’identification difficile d’un fait générateur imputable à Frontex”.
- Le premier de ces faits est celui commis directement par le personnel de Frontex dans le cadre des opérations conjointes qui est imputable à l’agence.
- Le second tient au non-respect d’une obligation de surveillance des activités des États membres.
- Pour engager la responsabilité de l’agence, preuve doit être faite que les conditions du bien-fondé de la responsabilité sont réunies. Ces dernières sont au nombre de trois et concernent l’illégalité du comportement, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité.
- Ensuite, Mme Forster ajoute que l’application du principe de responsabilité partagée n’aboutit pas automatiquement à une meilleure indemnisation des dommages subis par les victimes.
- En effet, la responsabilité de l’Union ne peut être engagée qu’une fois que la juridiction nationale s’est prononcée sur la responsabilité éventuelle de l’État et uniquement à la hauteur de ce que l’État n’a pas réparé, marquant ainsi le caractère subsidiaire de la responsabilité de l’Union européenne.
Un article récent d’Euractiv relate justement le cas fâcheux d’un interprète, employé de Frontex, battu puis expulsé vers la Turquie avec d’autres migrants par les autorités grecques qui l’auraient pris pour un migrant. L’employé a déposé une plainte auprès du mécanisme de plainte de Frontex, accompagnée de matériel audiovisuel, de vidéos et d’enregistrements de l’incident.
- Ce témoignage prolonge les plaintes répétées de groupes de défense des droits de l’Homme selon lesquelles les autorités grecques expulsent souvent les demandeurs d’asile sans discernement.
- La Grèce a toujours nié ces allégations.
- L’UE, qui a le plus souvent fermé les yeux sur les abus commis à l’encontre des migrants, selon le New York Times (NYT), se dit “extrêmement inquiète” et est désormais contrainte de “faire face au problème”, écrit Matina Stevis, correspondante du NYT à Bruxelles.