ROCK ‘N RULE

Dotés de chefs de gouvernement de la famille libérale, les trois pays du Benelux font partie des États membres les plus intransigeants dans la bataille politique sur l’État de droit en Europe.

  • Là se trouve l’autre aspect politique de cette dispute : la nature du projet européen et de “l’union toujours plus étroite” dont les traités fixent l’objectif.
    • À Budapest et Varsovie, on ne s’en cache pas, l’enjeu de ces réformes est de modifier l’Union européenne, c’est-à-dire de faire valoir les avantages économiques plus que le projet politique ou, pour reprendre les termes du Premier ministre belge Alexander De Croo, de convertir l’Union en un « distributeur automatique de billets ».
    • Selon La Agenda Publica, le problème n’est pas que ces pays quittent l’UE mais, au contraire, qu’ils y restent car ils disposent de moyens pour infléchir l’ordre politique de l’intérieur.
    • On constate d’ores et déjà plusieurs conséquences du recul démocratique en Hongrie et en Pologne :
      • la menace d’opposer son veto à toute avancée législative si Bruxelles gèle ses fonds ;
      • leur rôle perturbateur dans la politique étrangère de l’UE ;
      • la suspension des euro-ordres par les tribunaux nationaux aux Pays-Bas, en Allemagne et en Norvège face au manque d’indépendance judiciaire en Pologne.
  • Plus insidieux, le manque de confiance mutuelle et de sécurité juridique induit par les réformes hongroises et polonaises peut être létal au marché intérieur européen, puisque l’Union n’aurait plus la capacité de contrevenir aux menaces pesant sur la sécurité juridique à l’intérieur de ces pays.
    • La question se pose alors sérieusement de savoir de quelles solutions dispose l’UE pour faire face à ces dérives ?
  • La Agenda Publica insiste pour que tout l’arsenal économique, juridique et politique soit mis en œuvre.
    • Le mécanisme de conditionnalité à l’État de droit ainsi que le gel des fonds doivent être immédiats.
    • Pour autant, un cadre juridique adéquat et une volonté politique forte sont nécessaires.
  • C’est ainsi que le Parlement européen a déposé, le 29  octobre,  un recours en carence contre celle qui devrait remplir son rôle d’exécutif européen devant la Cour de justice de l’Union européenne.
    • Les eurodéputés contestent la non-activation par la Commission du mécanisme de conditionnalité de l’État de droit qui devrait permettre de geler les fonds européens à laquelle la Pologne a droit.
    • On peut s’attendre à ce que la Commission guette la formation d’un recours contre ce mécanisme déposé devant la CJUE par la Pologne et la Hongrie.
      • Pendant que l’Union se demande s’il faut faire quelque chose, les adhérents du PiS polonais agissent conformément à leurs objectifs.

  • Le 29 octobre 2021, soit seulement deux jours après l’exigence du versement des astreintes, Andrzej Michałowicz, président du tribunal régional de Słupsk, a suspendu la juge Agnieszka Niklas-Bibik.
    • Officiellement, est invoqué l’article 130, paragraphe 1 de la loi sur les tribunaux de droit commun, portant sur les comportements “criminels” des magistrats.
      • Si à notre connaissance la juge Niklas-Bibik n’a commis aucun crime, ni porté atteinte à la dignité du pouvoir judiciaire, une chose est sûre : la magistrate a posé des questions préjudicielles à la CJUE et est connue pour appliquer le droit européen en tant que  juge  de droit commun.
    • Sur la base des arrêts récents de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’homme, elle a en effet pu avancer la remise en cause la légalité de la nouvelle chambre et des nominations de juges qu’elle a effectuées.
    • « La suspension va à l’encontre de l’ordonnance de la CJUE du 14 juillet 2021. Elle constitue une forme de répression et m’empêche d’appliquer le droit de l’UE et de poser des questions préliminaires. Mais cela ne me brisera pas. Je continuerai à faire ce qu’un juge est censé faire. J’avais le droit d’appliquer les arrêts de la CEDH et de la CJUE », indique la juge Agnieszka Niklas-Bibik.