La guerre n’est plus ce qu’elle était. Aujourd’hui les modes hybrides d’exercice de la force interétatique prennent le pas sur les formes classiques du conflit militaire. En état d’alerte permanente, l’UE et ses États membres doivent faire face à de nouvelles formes de menaces, en particulier les cyberattaques, à plus ou moins grande échelle, et les flux migratoires, cyniquement utilisés par les puissances hostiles pour les déstabiliser.
- La question de la cybersécurité n’est pas nouvelle, mais elle prend enfin une dimension européenne sérieuse
- Le Parlement européen a approuvé une nouvelle version de la directive NIS (Network and Information Security), au champ d’application élargi à des « secteurs essentiels » tels que ceux de l’énergie ou des transports.
- Des obligations plus strictes sont aussi imposées notamment en termes de gestion des risques et d’obligations de déclaration.
- Le texte révisé établit également un cadre favorisant une meilleure coopération et un meilleur partage des informations entre les différentes autorités et les États membres. Enfin, il demande la création d’une base de données européennes de vulnérabilités.
- La directive originale sur la cybersécurité a été adoptée en 2016. Elle était la première législation européenne à garantir un socle minimal pour la protection des cyberattaques. Toutefois, les ordres juridiques nationaux de l’UE l’ont mise en œuvre de diverses manières, fragmentant ainsi le marché unique et causant des niveaux insuffisants de cybersécurité.
- Le Parlement européen rapporte que la cybercriminalité a doublé en 2019, les logiciels rançonneurs ont triplé en 2020.
- Pourtant les entreprises et institutions européennes dépensent 41% de moins pour la cybersécurité qu’aux États-Unis.
- Les députés ont alors estimé qu’au vu de l’augmentation des menaces contre la cybersécurité (voir le dernier rapport « Threat landscape 2021 » de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité), l’actualisation de la directive NIS était plus que nécessaire.
- L’eurodéputé Bart Groothuis (NL-Renew), rapporteur du texte, a déclaré: « Nous ne pouvons pas prévenir toute cybercriminalité mais nous devons nous protéger mieux qu’avant et mieux que les autres ».
En envoyant sans vergogne des milliers de migrants désespérés – afghans, syriens, irakiens pour ne citer que ceux-là – assaillir les frontières lituaniennes hier (voir EIH 05/08 et 05/07), polonaises aujourd’hui, Minsk, probablement soutenue par Moscou selon les accusations du Premier Ministre polonais, renouvelle le concept de “bouclier humain”. Dans ce contexte d’hostilité croissante, la Pologne a construit une clôture en fil de fer barbelé qui devrait, plus tard, être remplacée par un mur de 5 mètres de haut. Ces derniers jours, les scènes à la frontière polonaise, barbelée et militarisée, sont aussi impressionnantes qu’émouvantes.
- Le scénario rappelle un peu les tensions entre l’UE et la Turquie de Erdogan en 2016 qui avaient trouvé leur solution par un pacte migratoire conclu par le Conseil européen en dehors du droit de l’UE
- Le président russe Poutine a récemment proposé un arrangement similaire : que l’UE paye la Biélorussie pour garder les migrants.
- La Russie s’empresse d’ailleurs d’exiger publiquement le respect du droit international humanitaire, ajoutant une pression provocatrice sur un gouvernement polonais conservateur et très hostile aux migrants, comme le montre le communiqué de l’agence russe Tass.
- Varsovie accuse Minsk d’avoir délibérément envoyé, dans la nuit du 1er au 2 novembre, des personnes armées et en uniforme en territoire polonais depuis la Biélorussie, un incident qualifié de «provocation».
- Cet incident a lieu alors que les forces de l’ordre biélorusses tentaient de faire passer, dans la journée du 8 novembre, environ un millier de personnes venues du Moyen-Orient en Pologne.
- Selon différentes estimations, entre 8 000 et 22 000 migrants sont actuellement bloqués en Biélorussie, sans logement ni statut.
- Varsovie a ainsi déclaré l’état d’urgence dans les régions proches de la zone frontalière, suspendant les libertés de manifester ou d’informer, comme le rappellent les opposants au gouvernement, les ONG humanitaires et les journalistes.
- Tandis que 12 États membres ont appelé, début octobre, la Commission à financer des “murs” aux frontières extérieures de l’UE, la Hongrie qui a construit une clôture à sa frontière fait pression sur l’UE pour qu’elle rembourse le coût du grillage.
- What’s up EU indique cependant que la Commission européenne a adressé une fin de non-recevoir à ces requêtes : l’UE ne financera pas “de barbelés et de murs” a avancé la présidente de la Commission.
- Voulant procéder à une démonstration de force, et surement limiter les critiques relatives à sa gestion de l’état d’urgence, le gouvernement polonais refuse pour le moment l’aide européenne.
- En particulier celle de Frontex, l’agence de l’Union européenne basée à Varsovie et chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen.
- “Frontex c’est 1300 officiers, les gardes-frontières polonais, 16.000 assistés de 10.000 soldats et policiers” a rappelé Maciej Wąsik vice- ministre de l’intérieur dans un tweet.
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L’Union européenne appelle, elle, à des sanctions sévères contre Minsk.
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- Les États de l’UE devraient « enfin adopter le régime de sanctions étendu contre les autorités biélorusses responsables de cette attaque hybride », a déclaré Ursula von der Leyen.
- Dans le jeu de communication où disparaissent les migrants, la Pologne et l’UE accusent la Biélorussie d’instrumentaliser les migrants comme armes pour des intérêts politiques, alors que celle-ci joue le jeu de la provocation sur les valeurs européennes et accuse l’UE d’indifférence et de comportement inhumain face aux migrants, renforcée par les déclarations du ministre russe des affaires étrangères, Sergey Lavrov.
- Pour le gouvernement conservateur PiS cette crise diplomatico- humanitaire est en tout cas une bonne occasion de détourner l’attention européenne braquée sur son conflit autour de l’État de droit en se posant comme le garant de l’inviolabilité de la frontière extérieure.
- Ceci permet de faire diversion devant les manifestations importantes de ces derniers jours pour les droits des femmes et contre la politique réactionnaire en matière d’avortement, à l’origine du décès d’une jeune femme la semaine dernière.