Dans une confrontation diplomatique très directe, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a ordonné samedi 23 octobre l’expulsion de 10 ambassadeurs, les déclarant persona non grata, avant de revenir sur cette décision, le lundi suivant, après que les diplomates concernés avaient corrigé leurs propos.
- Cette décision est consécutive à un communiqué signé par ces diplomates afin de montrer leur soutien à l’opposant Osman Kavala, emprisonné par le régime sans jugement.
- Cela fait 4 ans que le philanthrope est emprisonné après avoir été accusé, en 2017, de responsabilité dans l’occupation du parc de Gezi à Istanbul, de participation à la tentative de coup d’Etat de 2016 et d’activités d’espionnage.
- Le professeur Jean-François Bayart écrit dans Mediapart avoir assisté à une des audiences de l’opposant et avoir pu mesurer combien elles étaient fallacieuses : les témoins sollicités par l’accusation n’ayant aucun élément en leur possession justifiant l’incarcération d’Osman Kavala.
- La Cour européenne des droits de l’Homme a ordonné sa libération immédiate en décembre 2019, ce qui a été réitéré ensuite par six décisions et une résolution intérimaire du Comité des ministres du Conseil de l’Europe.
- La décision d’expulsion des ambassadeurs coïncide avec l’annonce du placement sous surveillance de l’État turc par le GAFI, le Groupe d’action financière, un organisme international.
- Les députés européens dénoncent alors cette décision de diversion pour détourner l’attention des vrais sujets urgents.
- Ils qualifient les mesures prises par M. Erdogan d’“incompréhensibles et totalement infondées” et appellent la Turquie à respecter ses engagements internationaux et à se conformer aux arrêts de la CEDH.
- Le professeur Jean-François Bayart explique qu’en plus qu’une diversion, M. Erdogan fait jouer les sentiments nationalistes afin de consolider sa popularité.
- Il souligne aussi que la Turquie de Erdogan est en situation de dépendance de l’Europe, diplomatiquement, économiquement, financièrement et stratégiquement.”
- Revenant sur l’histoire du processus d’adhésion turc à l’UE, il ajoute que l’Europe voit en la Turquie une force supplétive dont l’utilité stratégique justifie, et parfois nécessite, la renonciation au respect des libertés politiques et des droits de l’Homme. Selon lui, la question des droits de l’Homme ne se pose que quand il s’agit de tenir la Turquie à distance.