LONG FLEUVE TRANQUILLE

Dans un entretien au Grand Continent, les philosophes Luuk van Middelaar et Pierre Manent tentent de répondre à la question suivante : Entre l’Amérique de Biden et la Chine de Xi, comment se penser parmi les autres lorsque l’idée que l’on se fait de soi-même tire sa légitimité de l’universalisme des valeurs ?

  • Le point de départ est la retraite d’Afghanistan, marqueur de recul de l’universalisme occidental : Luuk van Middelaar considère que si l’Europe n’a pas de récit identitaire à proprement parler, c’est parce, que dans sa perception d’elle-même, elle s’est coupée de l’Histoire. Elle pense commencer dans les années 1950 et renie son passé monarchique chrétien, en opposition avec son présent démocratique laïque. A quoi Pierre Manent ajoute que “seules les nations sont des aventures”.
    • La difficulté réside en effet dans le fait que l’Europe, l’idée qu’elle se fait d’elle-même, est profondément liée à l’universalité et aux droits de l’Homme. On pourrait donc dire que l’identité particulière des Européens est de penser universellement.
  • Les philosophes sont d’accord pour dire que : pour réfléchir à nouveau à notre identité, à notre place dans le temps et dans l’espace, il faut faire d’abord de la place pour le concert des nations et pour le rapport au christianisme.
    • “Nous devrions être capables de prendre en compte les modes de vie religieux, les contenus religieux de la vie, les traditions”, ce que nous ne faisons pas aujourd’hui à cause de l’idée de la séparation entre l’Église et l’État.
    • Cette volonté délibérée d’enterrer le passé national et chrétien de l’Europe, au fur et à mesure de l’intégration du continent et du projet supranational, semble être liée à la poursuite de l’importation de valeurs que l’Europe considère comme ayant une applicabilité universelle.
      • Sur cette lancée, dans un fil twitter, l’analyste Shahin Vallée pointe les impensés historiques d’une identité universaliste articulée sur l’héritage historique et culturel du christianisme.
    • Pierre Manent conclut : “Je pense que si nous étions un peu plus fiers de notre propre histoire, il serait beaucoup plus facile de faire partie d’un monde pluriel avec des civilisations incarnant d’autres modes de vie.”