Au cœur d’un feuilleton judiciaire et politique à rebondissement depuis le référendum du 1er octobre 2017 et ses conséquences violentes, l’indépendantiste catalan Carles Puigdemont a été arrêté le 23 septembre « à son arrivée en Sardaigne, où il se rendait en tant qu’eurodéputé », a indiqué son avocat. L’ancien président de la généralité de Catalogne accuse Madrid de procès politique et présente son exil comme une mise à l’épreuve de l’Etat de droit européen.
- Selon Agenda Publica, la décision des autorités italiennes de procéder à son arrestation est particulièrement surprenante compte tenu des deux dossiers judiciaires survenus au cours de cette année en relation avec la situation des politiciens catalans qui ont fui en 2017.
- Le premier dossier est la question préjudicielle formulée par le juge de la Cour suprême espagnole, Pablo Llarena, à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
- Par le biais de cette question, le juge espagnol veut connaître les critères permis pour qu’un juge de droit commun puisse écarter la décision cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres.
- Le juge avait demandé qu’elle soit traitée par la procédure abrégée mais la CJUE a opté pour la procédure ordinaire (plus longue). L’ennui est qu’une nouvelle arrestation de Puigdemont a lieu alors que la CJUE ne s’est pas prononcée sur ces questions de fond.
- Le deuxième dossier est l’ordonnance du 30 juillet 2021 de la CJUE qui rejette la demande de mesures conservatoires contre la suspension de l’immunité parlementaire de trois eurodéputés de Junts per Catalunya dont l’un est Carles Puigdemont. La suspension de l’immunité parlementaire étant alors confirmée. Plusieurs paragraphes de cette ordonnance méritent notre attention
- §54 “les autorités espagnoles ont expressément […] déclaré qu’aucun tribunal de l’Union européenne ne pourrait exécuter les mandats d’arrêt européens contestés avant que la Cour de justice ne se prononce. » Les autorités espagnoles risquent donc la contradiction si elles demandent l’extradition de l’eurodéputé.
- §56 “tant que la Cour n’aura pas statué dans l’affaire Puig Gordi e.a., C-158/21, rien ne permet de considérer que les autorités judiciaires belges ou que les autorités d’un autre État membre pourraient exécuter les mandats d’arrêt européens délivrés à l’encontre des requérants et pourraient remettre ceux-ci aux autorités espagnoles.”
- Pourtant §60 “en cas d’arrestation des requérants par une autorité d’exécution d’un État membre ou de mise en œuvre d’une démarche visant leur remise aux autorités espagnoles, il leur serait loisible d’introduire une nouvelle demande de mesures provisoires.”
Dès lors, une chose semble claire : l’ancien président de la généralité de Catalogne demandera des mesures conservatoires qui lèvent, au moins temporairement, la suspension de son immunité parlementaire en tant que député européen.
- La CJUE devra répondre (probablement avec beaucoup plus d’urgence qu’elle ne l’avait prévu) à la question préjudicielle formulée par le juge Llarena.
- Cette impliquera la création (ou non) d’un espace pénal européen beaucoup plus harmonisé qu’il n’en existait jusqu’à présent.