La croissance de Mistral et l’optimisme qu’elle suscite ne doit pas cependant devenir le mirage dans le désert. Reste que les chiffres relativisent l’enthousiasme. Face à OpenAI (500 milliards de dollars de valorisation), Anthropic (183 milliards) ou Google DeepMind, Mistral reste un acteur de niche. L’écueil serait de céder à l’illusion d’un « champion français » capable de rivaliser seul.
- En effet, le président de la République, Emmanuel Macron voit en Mistral IA l’alpha et l’omega de la souveraineté numérique française, appelant ainsi français et européens à délaisser Chat Gpt pour le Chat :
- « Tous ceux qui ont ChatGPT, je leur conseille de télécharger Le Chat. C’est français et européen ».
- Le précédent Dailymotion, freiné par l’État au nom de l’indépendance, rappelle combien la politisation peut brider l’innovation
- D’ailleurs, ni Arthur Mensch (co-fondateur de Mistral AI) ni Christophe Fouquet (CEO d’ASML) n’ont mis en avant la souveraineté comme motivation première.
- Pour ASML, l’IA est aussi un outil interne pour accélérer sa R&D ; pour Mistral, un levier de croissance et de crédibilité.
- C’est pourtant bien sur le terrain de la souveraineté que l’opération prend une dimension stratégique, comme le rappelle Daniel Mügge professeur de Sciences Politiques à l’Université d’Amsterdam.
- L’IA irrigue désormais des infrastructures critiques (paiements, énergie, défense).
- Laisser ce domaine clé dépendre exclusivement de financements et de technologies américaines serait un risque pour l’Europe.
- En s’adossant à un acteur industriel continental, Mistral montre qu’une autre voie est possible.
- En somme, l’investissement d’ASML dans Mistral ne garantit pas à lui seul l’autonomie numérique du Vieux Continent, mais il constitue un précédent à même d’inciter d’autres champions européens à suivre cet exemple.
- Il est également intéressant de noter que, si la souveraineté est à l’évidence un sujet majeur pour nos industriels européens, elle l’est encore davantage pour les responsables politiques.
Le débat autour de la souveraineté numérique de l’Europe s’inscrit alors profondément dans un rapport de puissance entre industrie, qui cherche avant tout à innover et croitre, et l’État qui cherche à préserver une autonomie stratégique et à garantir la sécurité nationale.