RELATIONSHIT   

On l’oublie trop souvent, surtout pour dénoncer le « déficit démocratique persistant » de l’UE, mais les institutions européennes fonctionnent sur le modèle d’une démocratie parlementaire. A son paragraphe 8, l’article 17 du Traité prévoit la possibilité pour le Parlement de renverser, collectivement, la Commission européenne – qu’il a investie en début de mandat.  

  • Pour qu’une motion de censure puisse être déposée, elle doit être initiée par au moins un dixième des députés européens, soit 72 sur les 720 que compte actuellement le Parlement.  
  • Elle doit évidemment être accompagnée d’une justification. 
  • Pour être adoptée, elle doit réunir les deux-tiers des suffrages, ce qui suppose un discrédit général de la Commission. 
  • Hors ces circonstances extrêmes, c’est donc un outil au service des parlementaires pour signaler des désaccords politiques avec la gestion et l’orientation prises par la Commission.  

 

  • D’autant que la motion provenait des eurodéputés d’extrême-droite (PfE), et d’une partie du groupe ECR.  
  • Elle rassemblait les griefs du PfizerGate (EIH 9/6/25) consécutivement au refus de la présidente de la Commission Européenne de divulguer le contenu de ses SMS échangés au moment de la commande européennes des vaccins. 
  • Ainsi que l’accusation, répétée à l’extrême-droite, d’« ingérences illicites » dans l’élection présidentielle roumaine.  
  • C’est son intérêt politique qui est significatif.  
  • Quoique marginale dans ses motifs et ses soutiens, cette motion, malgré son échec, a été l’occasion pour certains groupes d’une mise en garde face aux méthodes de gestion d’une « hyperprésidente ». 
  • Elle est présentée comme poussant systématiquement ses prérogatives aux limites des équilibres institutionnels, comme l’analyse le site Contexte qui souligne qu’elle a « développé, avec son fidèle directeur de cabinet, un système de concentration des pouvoirs inédit au sein de l’exécutif ».  

 

  • Dans une analyse à charge mais pertinente, l’ancien conseiller de J. Borrell, G. Duval fait le tour des problèmes que posent la gestion personnelle et centralisée de la présidente : 
  • hyperatlantisme et alignement total sur l’ancien président démocrate,  
  • ceci renforcerait l’impréparation à la nouvelle donne trumpienne, le soutien au gouvernement Netanyahu, malgré ses dérives. 
  • Tout ceci donne corps à l’accusation de double standard et relativise la cause ukrainienne : 
  • Une tendance à la centralisation excessive, une absence totale de convictions en matière d’écologie ou de social…. Le réquisitoire résume la frustration de la gauche pro-européenne à l’égard de la présidente. 

 

  • Elle met en exergue la frustration des sociaux-démocrates devant le recours très fréquent du centre-droit à des alliances de circonstances avec la droite radicale, voire extrême, au Parlement.  
  • En effet, les soutiens à gauche de la Commission (S&D et Verts/ALE) fustigent notamment les reculs de la Commission sur les enjeux environnementaux. 
  • Les soutiens libéraux de la Commission du groupe Renew s’inquiètent eux des reculs dans l’agenda pro-UE et des alliances à l’extrême-droite.  

 

  • Cette motion a aussi semé la division aussi dans les groupes de la droite radicale. 
  • Cette dernière n’a rien à reprocher à la Commission von der Leyen, ni au PPE, au contraire, puisqu’elle se retrouve souvent en position très confortable d’arbitre. 
  • Le débat souligne l’émergence d’une demande accrue de responsabilité démocratique au-delà des divisions politiques traditionnelles. 

 

Loin des fantasmes sur la technocratie européenne apatride et sans âme, les débats institutionnels prouvent que l’UE se construit, maladroitement mais assurément, comme un régime parlementaire. Au prix, inévitable, de sa polarisation.