LIAISON DANGEREUSE 

Parmi les diverses tentatives pour ralentir la progression populiste dans la politique occidentale, rien n’a été aussi inefficace, ou contre-productif, que de tenter de les contenir par la voie judiciaire. Le blocage de la tentative de Boris Johnson de proroger le parlement en 2019 au Royaume-Uni a débouché sur sa très large victoire aux élections de cette année-là. Les poursuites judiciaires contre Donald Trump, et même ses condamnations, n’ont empêché ni son élection, ni sa radicalisation – on pourrait même imaginer le contraire. La peine d’inéligibilité prononcée contre de Marine Le Pen (EIH 7/4/25 et bis) n’a en rien entamé l’avance du RN dans les sondages, porté par son successeur Jordan Bardella.  

 

  • Est-ce à dire pour autant que le mandat démocratique, ou encore la popularité et le poids dans les sondages qui suppose un soutien populaire exempterait de respecter l’ordre judiciaire et institutionnel ?  
  • L’Etat de droit est-il soluble dans la politique, comme le laissent entendre régulièrement les démagogues et les populistes, y compris en responsabilité 

 

  • Or, histoire oblige, les organisations d’extrême-droite sont interdites par la constitution allemande.  
  • Mais d’une part, le précédent jurisprudentiel n’est pas toujours assuré, comme en témoigne la difficulté de dissoudre le BND.  

   

  • Quelques jours seulement après l’investiture du nouveau Chancelier allemand (EIH 12/5/25), Friedrich Merz, le renseignement intérieur a donc qualifié le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) de « mouvement d’extrême droite ».  
  • Après avoir récolté 20% des voix aux élections de février, cette décision marque un tournant car elle pourrait mener à l’interdiction du parti. 
  • Il s’agit d’un procédé très encadré nécessitant ce qualificatif.  
  • Cette suspension a engendré des manifestations le dimanche 11 mai dans plus de 60 villes allemandes.  
  • Plusieurs milliers de manifestants se sont déplacés pour réclamer l’interdiction du parti. 
  1. Le nouveau Chancelier se trouve alors dans une position inconfortable entre :  
  1. la relation avec l’administration Trump ayant pris la défense de l’AfD sur ce cas précis et accusé “l’establishment allemand” d’être “extrémiste ».  
  • Un cas classique d’inversion accusatoire (EIH 7/4/25) typique de l’extrême-droite, d’ailleurs. 
  1. La crainte d’alimenter le discours victimaire de l’AfD ou de renforcer tout mouvement politique qui en serait issu, clairement visible dans leur dynamique dans les sondages actuels  
  1. La demande de Britta Haßelmann, cheffe du parti des Verts, d’adopter une position claire face au  » danger que représente l’AfD »  

 

  • Si le respect de l’Etat de droit est une priorité qui doit s’appliquer sans hésitation à tous ceux qui l’enfreignent, et surtout à ceux qui le menacent, la lutte contre l’extrême-droite ne pourra se contenter de se mener dans les tribunaux.  

Casser la bouteille ne débarrasse jamais du poison.