Le Grand Continent s’entretient avec David O’Sullivan, le directeur général administratif du Service européen pour l’action extérieure (SEAE). Celui-ci revient sur l’immense défi de la mise sur pied du service et fait état de la diplomatie européenne de nos jours.
- Premièrement, il considère le SEAE comme une réussite : “avec le soutien des États membres, nous avons vraiment été en mesure d’améliorer le prestige de l’Union dans le monde entier.” Selon lui, le service gère quotidiennement et de manière efficace les relations avec les autres pays.
- M. O’Sullivan précise que s’il aimerait effectivement une Union plus unie en matière de politique étrangère “le haut représentant ne peut aller au- delà de ce que les États membres sont prêts à faire.” Celui-ci fait déjà beaucoup lorsqu’il réussit à aboutir à une position commune. Dès lors, la question qu’il convient de se poser réellement est : “Voulons-nous une Union plus politique ? “
- L’UE telle qu’elle est aujourd’hui n’est pas conçue pour être un acteur de poids dans un monde où les rivalités entre puissances ne font que de s’intensifier. Enfants du multilatéralisme, deux choix se dessinent devant les États membres :
- soit admettre que l’Union puisse décider en dernier ressort dans plus de domaines relevant de la politique étrangère afin d’être un acteur qui compte ;
- soit conserver une forte marge de manœuvre au niveau national et garder cette image de désunion.
- Pour l’ancien secrétaire général de la Commission européenne, la première option paraît nécessaire si l’UE veut éviter de basculer soit dans le camp de la Chine soit dans le camp des États-Unis, et opter au contraire pour une troisième voie qui lui permettrait de ne pas “vivre dans un monde façonné par les autres”.
- Ainsi, afin d’arriver à une autonomie stratégique, David O’Sullivan conseille de dépenser plus et mieux pour la défense. Il précise aussi que le réel défi de sécurité est une question économique et technologique, en particulier la cybersécurité.
- C’est pourquoi il indique ne pas être convaincu de la valeur ajoutée des forces d’intervention proposées par Josep Borrell au niveau européen : “dans n’importe quelle situation, l’intervention militaire ne peut être que la première étape.”
Pour illustrer ces propos, un rapport du SEAE indique que le groupe russe Wagner contrôlerait une partie des troupes en République centrafricaine. Alors que, depuis juillet 2016, l’UE déploie des instructeurs militaires (EUTM RCA) dans le pays et ont formé un total de 4 000 soldats, “les mercenaires” de Wagner, selon les mots du web MSN, auraient mis la main sur le commandement d’une partie des troupes.·
- Selon le rapport, la Russie joue un rôle « ambigu et non-transparent », signalant la présence d’environ 2600 mercenaires du groupe Wagner qui auraient pris en main la formation de certaines unités militaires centrafricaines ; une intensification de la présence russe « dans presque tous les domaines du gouvernement », et des campagnes de désinformation. En outre, leur rôle économique s’intensifie dans les douanes, les mines et plus généralement « l’exploitation des ressources naturelles ».
- Le rapport conclut que si l’UE ne parvient pas à affaiblir l’influence de la Russie et du groupe Wagner, elle pourrait revoir le mandat de ses instructeurs voire les retirer de République centrafricaine.