L’Europe est une entité politique, certes – mais elle est aussi et avant tout une construction de droit, régie par le droit, qui garantit aux citoyens européens que leurs droits sont respectés partout sur le territoire de l’UE.
- Dans un arrêt du 25 novembre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, a eu à se prononcer sur la reconnaissance d’un mariage de personnes de même sexe, légalement conclu dans un autre Etat membre de l’Union européenne.
- En l’espèce, un binational (polono-allemand) et un ressortissant polonais se sont légalement mariés en Allemagne où ils séjournaient.
- Souhaitant s’installer en Pologne, ils ont introduit à Varsovie une demande de transcription de leur acte de mariage.
- Toutefois, celle-ci a été rejetée au motif que le mariage entre personnes de même sexe étant interdit en Pologne.
- Une telle transcription se ferait en contradiction avec l’article 18 de la Constitution polonaise qui protège l’institution du mariage « en tant qu’union de la femme et de l’homme ».
- En interjetant recours, les requérants estiment que le refus de transcription constitue une entrave à leur liberté de circulation en créant une situation paradoxale.
- La Pologne obligerait à faire coexister deux états civils différents au sein de l’Union : mariés en Allemagne mais considérés comme célibataires en Pologne.
- Dans ces circonstances, ils estiment ne pas pouvoir poursuivre, en Pologne, la même vie privée et familiale que celle qu’ils menaient en Allemagne.
- Sur le fond, et tel qu’il est soutenu par le gouvernement polonais, les questions d’état civil ainsi que les règles relatives au mariage qui s’y rattachent sont des matières relevant de la compétence exclusive des États membres.
- En effet, jusqu’à présent, le droit de l’Union ne prévoyait pas d’obligation absolue de transcrire dans le registre national d’état civil des actes d’état civil établis dans d’autres États membres, y compris le mariage
- En outre, tel qu’il ressort d’un arrêt de la Cour de justice elle-même du 24 novembre 2016, les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour introduire ou non le mariage entre personnes de même sexe dans leur ordre juridique, tout en assurant le respect du droit de libre circulation et de séjour.
- Cette fois-ci, la Cour de justice a privilégié la citoyenneté de l’Union (Article 20 TFUE), la liberté de circulation du citoyen de l’Union (Article 21 TFUE) ainsi que le droit à la vie privé et famille et les principes d’égalité et de non-discrimination tels qu’ils ressortent de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
- Certes, les Etats membres sont libres de prévoir ou non, dans leur droit national, le mariage pour des personnes de même sexe, mais cette marge d’appréciation doit être conforme à la liberté de circulation et séjour.
- En outre, malgré le respect par le droit de l’Union de l’identité nationale des Etats membres (Article 4 TUE), la Cour considère que la transcription d’un mariage homosexuel ne porte pas atteinte à l’institution du mariage dans l’État membre d’origine.
- Elle s’aligne sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui impose aux États membres une obligation positive de mettre en place un cadre juridique permettant la reconnaissance juridique et la protection des couples de personnes de même sexe.
- Cette dernière avait par ailleurs déjà condamné la Pologne en 2023 pour violation des droits à la vie privée et familiale tels que protégés par l’article 8 de la Convention des droits de l’Homme.