Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, à défaut d’une implication militaire directe, les Etats membres de l’UE se sont efforcés d’utiliser pleinement l’arme économique contre la Russie, au travers des régimes de sanctions successifs, y compris le gel d’actifs financiers détenus par la Fédération de Russie et la Banque centrale russe en Europe. Ces actifs gelés s’élèvent environ à 250 Mds EUR, dont 210 Mds EUR sont détenus en Europe. Le débat sur l’usage des actifs russes gelés (frozen assets) prend une tournure juridiquement plus concrète depuis notre dernière analyse (ES 29/9/25).
- Fréquemment posée depuis le début du conflit, la question de la mobilisation des avoirs gelés était proche de trouver une première issue ce jeudi 23 octobre 2025.
- A l’occasion d’un sommet à Bruxelles, alors que la Commission européenne avait bon espoir de trouver un accord permettant d’utiliser ces avoirs, le Premier ministre de la Belgique, Bart de Wever, a mis un frein au projet de prêt de réparation d’un montant de 140 Mds EUR destiné à l’Ukraine.
- Il souhaite poser des conditions avant d’approfondir le projet :
- partage des risques financiers et juridiques par les Vingt-Sept, remboursement des fonds russes à la Russie si nécessaire et mobilisation des actifs russes détenus ailleurs dans l’UE.
- La majorié des actifs gelés sont détenus par Euroclear, chambre de compensation belge, ce qui expose la Belgique à des représailles juridiques de Moscou
- Les Belges craignent d’être condamnés et tenus de rembourser si un tribunal national ou international juge l’opération illégale.
- La Belgique redoute d’envoyer un signal dissuasif aux investisseurs de pays non alignés avec l’UE, notamment la Chine.
- Ils craignent de fragiliser la protection de la propriété souveraine et la confiance juridique qui soutient les flux de capitaux étrangers.
- Rappelons qu’il est question d’utiliser les produits des avoirs et non les investissements déposés avant l’invasion.
- La Commission a bien sûr annoncé qu’elle allait explorer la possibilité d’utiliser 25 milliards d’euros d’avoirs russes situés dans des établissements bancaires et financiers non belges, principalement en France et au Luxembourg.
- Ce report intervient alors que le conflit se prolonge inexorablement, intensifiant la pression sur les finances de l’Ukraine qui se retrouve exposée à un déficit budgétaire de 60 milliards de dollars sur les deux prochaines années.
- La Finlande et la Suède considèrent que l’Ukraine a besoin de 130 milliards d’euros sur les années 2026 et 2027.
- L’Ukraine est coincée entre le désengagement financier des États-Unis et la fébrilité des gouvernements européens, eux-mêmes limités par des difficultés économiques intérieures, ce qui rend l’urgence du financement d’autant plus forte.
- Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, présent à Bruxelles, a déclaré: « Nous avons besoin de l’argent en 2026. Ce serait mieux de l’obtenir au tout début de l’année, mais je ne sais pas si cela est possible. »
- Ce report survient alors que Washington envoie des signaux contradictoires :
- extension de sanctions contre des groupes pétroliers russes d’un côté et annonces ou hésitations publiques autour d’une éventuelle rencontre Trump-Poutine à Budapest de l’autre.
- La Commission cherche à mutualiser le risque en impliquant des pays du G7 non européens mais le Japon, qui détient environ 30 milliards de dollars d’avoirs gelés, a déjà écarté l’idée mais pourrait suivre la position américaine.
- De son côté, Moscou qualifie toute opération de vol et menace de représailles juridiques et économiques.
- Le sujet du prêt reviendra inévitablement sur la table des négociations au prochain sommet de Bruxelles en décembre prochain.