MONDE DE MERDE ?

Outre les ondes de choc géopolitiques les conflits de haute intensité ne cessent de soulever des questions de droit aux interprétations étatiques souvent fumeuses. Qu’il s’agisse de viols massifs comme armes de guerre, d’enlèvements d’enfants (V. EIH 20.03.23) et abus sexuels (V. EIH 2.09.24), trafics d’êtres humains ou de destructions de patrimoine culturel et historique, chaque zone de guerre alimente régulièrement l’actualité en horreurs diverses. Les mandats d’arrêt en matière pénale internationale sont d’ailleurs pris sur la base de preuves sérieuses quant à la responsabilité des représentants étatiques et militaires dans la réalisation de ces faits. 

  • La Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale, avait, le 18 mars 2023, émis un mandat d’arrêt contre la Commissaire russe aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova et Vladimir Poutine. 
  • Chacun est « prétendument responsable du crime de guerre de déportation illégale » d’enfants des territoires occupés d’Ukraine vers la Russie. 
  • Si la Cour en conclut qu’ils sont systématiques et généralisés, de tels transferts constituent un crime contre l’Humanité. 
  • Le président russe s’était rendu, en octobre 2023, sans encombre à Pékin puisque la Chine fait partie de la soixantaine d’États qui ne reconnait pas la juridiction de la CPI. 
  • En juillet 2023, il avait renoncé à se rendre au Sommet des BRICS de Pretoria, l’Afrique du Sud étant Etat partie au Statut de Rome instaurant la CPI. 
  • Les autorités de Pretoria avaient donc l’obligation d’arrêter Vladimir Poutine (V. EIH 27.05.2024). 
  • Être membre du Statut de Rome ne suffit pas à justifier son obligation de procéder à l’arrestation d’un individu sous mandat d’arrêt international. 
  • Le 4 septembre 2024, V. Poutine s’est rendu en Mongolie, pourtant membre du statut de la CPI. 
  • Les autorités de Mongolie ne se sont pas senties obligées de l’arrêter probablement parce qu’elles n’y ont aucun intérêt. 
  • En effet, l’Afrique du Sud a déposé une requête à la CPI, la désavouer à ce stade ne ferait que de lui donner une image de pantin du Kremlin et non celle du défenseur des peuples opprimés. 

 

  • Le 20 mai 2024, le procureur de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a déposé une requête pour délivrance d’un mandat d’arrêt contre : le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le ministre de la Défense Yoav Gallant, ainsi que trois dirigeants du Hamas : Yahya Sinwar, Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri et Ismail Haniyeh.  
  • Pretoria apporte son soutien actif à la condamnation des deux responsables israéliens. 
  • S’en était suivi une cacophonie occidentale : il ne pourrait pas y avoir d’équivalence entre ce que l’on peut reprocher au Hamas et à Israël.  
  • La France a créé la stupeur, le 28 novembre 2024, en déclarant que les représentants israéliens bénéficiaient d’une « immunité ». 
  • Cela se justifierait par le fait qu’Israël n’est pas un Etat membre. 
  • L’argument juridique semble bien mince par rapport à la menace d’Israël d’écarter la France du Comité de surveillance du cessez-le-feu au Liban. 
  • Cette question de savoir “qui est plus un criminel de droit international pénal que l’autre” est devenue centrale et semble malheureusement plus occuper les fins esprits diplomates que de mettre fin aux violences. (V. EIH 27.05.2024). 
  • C’est encore là où le bât blesse : dans quelle mesure la fin peut-elle justifier les moyens ? 
  • Le respect des droits fondamentaux et de la justice ne constituerait donc qu’une variable d’ajustement. 
  • Pourtant, des épisodes similaires n’ont apporté que malheur et rancœur. 
  • L’ancien président de la République du Kosovo, Hashim Thaci, avait démissionné pour répondre d’accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité. 
  • Considéré comme un héros national contre la tyrannie de la Yougoslavie de Milosevic, il est aussi accusé d’avoir mis en place un système d’emprise brutal sur la province pendant et après la guerre. 
  • Les procureurs du Tribunal spécial international pour le Kosovo de La Haye ont inculpé l’ancien président kosovar, le 6 décembre 2024, pour obstruction et outrage à la cour. 
  • Ceci ne nous semble pas admissible. 

Difficile d’imaginer des sociétés pacifiées si seul “un côté” des protagonistes n’est considéré comme pouvant être jugé comme responsable de ces crimes. Les rancœurs ne feront que de croitre, enrichissant encore le terreau pour de nouveaux conflits.