Pierre angulaire de la démocratie libérale et des valeurs fondatrices de l’Union européenne, l’Etat de droit repose sur trois piliers : le respect de la hiérarchie des normes ; l’égalité des citoyens devant la loi ; la mise en place de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
- Concrètement, cela signifie, entre autres, que la même loi s’applique pour toutes et tous, et ne dépend ni du statut, ni de la richesse, ni de la célébrité des accusés.
- Si la justice est bien rendue “au nom du peuple”, elle ne l’est pas pas “par lui”.
- Autrement dit, le vote populaire et démocratique n’innocente personne.
- Les stars de cinéma poursuivies pour leurs comportements sexuels illustrent fort bien les difficultés persistantes du public à accepter cette tension.
- Malheureusement, la justice ne peut jamais s’affranchir du contexte politique.
- Qu’il s’agisse de faire condamner l’Etat pour inaction climatique, ou d’éliminer des adversaires politiques,
- le soupçon de vouloir faire de la politique par les tribunaux entache chaque démarche dont la portée dépasse le seul cadre judiciaire.
- De même que les Démocrates américains viennent d’en faire l’amère expérience, il est illusoire de penser que l’Europe peut se débarrasser de son extrême droite en la poursuivant en justice.
- En Grèce, le parti Aube dorée a été poursuivi avec succès pour l’assassinat d’un rappeur antifasciste en 2013 et a perdu les sièges qui lui restaient aux élections de 2019.
- Mais leur audience persiste.
- Et plusieurs partis d’extrême droite ont émergé lors des dernières élections.
- La potentielle condamantion de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité pour son rôle dans le détournement des fonds alloués par le Parlement européen à des fins de financement de son parti politique, le RN, s’inscrit dans ce contexte.
- Spéculant sur les suites politiques de cet épisode judiciaire, le site EuroIntelligence, estime que l’avenir politique de Marine Le Pen pourrait brusquement prendre fin si les tribunaux confirment la peine requise par les procureurs parisiens.
- Mais que signifie pour la démocratie qu’un verdict judiciaire puisse influencer le choix des électeurs ?
- L’affaire, perçue comme une ingérence judiciaire dans le processus politique, pourrait, à l’image des États-Unis, radicaliser une partie de l’électorat et alimenter la rhétorique populiste selon laquelle le parti est victime du système judiciaire européen.
- La réponse institutionnelle se doit donc être claire : une telle dérive ne peut être tolérée, car elle menace non seulement l’intégrité du financement public mais aussi la confiance fondamentale des citoyens dans les processus démocratiques européens.
- Dans ses éditos politiques du 14 et du 15 novembre sur Radio France, Patrick Cohen rappelle que ce qui se joue dans cette affaire, c’est aussi combien “la force d’une démocratie se mesure à sa capacité à faire appliquer ses principes”.