Escalade ou statu quo? Alors que la situation sur le terrain se dégrade pour Kiev (cf. EIH 17/11/24), la semaine dernière, à deux mois du terme de son mandat, Joe Biden autorisait l’Ukraine à utiliser les missiles américains Atacms pour frapper le territoire russe. Une permission longtemps réclamée par Kiev, mais qui pourrait arriver trop tard, avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier.
Le lendemain, l’Ukraine a utilisé six de ces missiles pour frapper des cibles militaires dans la région russe de Bryansk. Immédiatement, la Russie a répliqué non pas seulement par une frappe sur la ville ukrainienne de Dnipro, mais en faisant usage d’un nouveau système de missile intercontinental de moyenne portée, qui selon l’allocution télévisée de Vladimir Poutine à la suite de l’attaque “ne peut pas être intercepté par les systèmes de défense anti-aériens occidentaux actuels”.
- Une démonstration de force qui annonce éventuellement un changement de doctrine : l’usage de missiles alliés par l’Ukraine sur le territoire russe suffirait à justifier, pour la Russie, l’usage de l’arme nucléaire.
- Une menace déjà proférée, et désormais entérinée, mais que certains analystes continuent de considérer comme “peu crédible”.
- L’usage d’un missile intercontinental sans tête armée nucléaire vient ponctuer la menace russe, et l’escalade du conflit d’attrition, après mille jours de guerre, marque une relance des hostilités avant la passation de pouvoir outre-Atlantique.
- L’Europe centrale et orientale qui reprend mesure de la proximité du conflit.
- Les frappes russes à l’extrême ouest de l’Ukraine (en Transcarpie) dimanche dernier ont poussé la Pologne à faire décoller des patrouilles d’avion de chasse pour couvrir la zone à la frontière hongro-polono-ukrainienne ciblée par les frappes.
- Sauf le Premier ministre hongrois qui semble vouloir faire oublier ce danger en déclarant vouloir défier la CPI, ou peut être pense-t-il mettre son pays à l’abri avec de telles déclarations.
- Parallèlement, l’Europe prend conscience qu’elle doit faire face à une guerre hybride : outre les campagnes de désinformation pullulant sur Internet, les cyberattaques et actes de sabotage sur des installations européennes inquiètent particulièrement.
- Alors que la destruction en septembre 2022 du gazoduc Nord Stream en mer Baltique s’oriente vers la piste ukrainienne,
- la découverte d’un acte de sabotage -présumé- sur deux câbles de communication sous-marins reliant l’Allemagne à la Finlande et la Lituanie à la Suède,
- renforce l’inquiétude d’une vulnérabilité européenne face à une augmentation du nombre d’attaques sur son réseau énergétique et de communication.
- Les pays scandinaves et baltes riverains de la Baltique y voient l’oeuvre potentielle d’un bateau-cargo chinois ayant mouillé à proximité du lieu du sabotage.
- Une inquiétante preuve du soutien de la Chine à la Russie dans ce conflit étendu à l’encontre de l’Europe, et pas seulement de l’Ukraine.
- C’est dans ce contexte que les pays de l’UE atteignent un montant record de dépenses militaires de 326 milliards d’euros, soit 1.9% du PIB européen.
- Avec la Pologne en tête du pays consacrant la plus large part de son budget à la défense (4% du PIB polonais).
- Donald Tusk pourrait devenir l’interlocuteur européen privilégié des Américains durant le second mandat Trump, qui n’a pas caché son agacement, voire son mépris, pour l’investissement européen actuel dans sa sécurité.
- C’est d’ailleurs à Varsovie que se sont réunis mardi 19 novembre les ministres des Affaires étrangères français, allemand, italien, polonais et espagnol.
- On relève des observateurs invités : la future haute représentante de l’Union européenne, Kaja Kallas, et David Lammy, le Secrétaire britannique aux affaires étrangères.
- Malgré une déclaration conjointe très tempérée en terme d’engagements concrets, le chef de la diplomatie polonaise Radoslaw Sikorski a affirmé que les ministres présents s’étaient prononcés en faveur :
- de l’émission d’obligations européennes de défense pour financer la sécurité européenne,
- ainsi que prêts à augmenter leur soutien financier à l’Ukraine en cas de désistement américain sous l’administration Trump.
La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont restés timorés quant à l’usage de leurs missiles par l’Ukraine pour défendre son territoire.