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Obsession souverainiste, la primauté du droit européen sur le droit national revient sans cesse dans le débat public, quitte à parfois faire mentir les convictions européennes de certains candidats. Avec sa décision du 26 septembre 2024, la CJUE apporte une clarification importante dans les relations complexes entre les juridictions nationales et le droit de l’Union européenne.  

  • La décision provient d’une tragédie survenue en Roumanie lors d’une opération de maintenance, où un électricien avait perdu la vie par électrocution.  
  • Une procédure administrative a été ouverte contre l’employeur, et des poursuites pénales avaient été engagées.  
  • Selon la législation roumaine, une décision de justice administrative concluant qu’il ne s’agissait pas d’un accident de travail empêchait les juridictions pénales de revisiter cette qualification.  
  • D’où la question de la compatibilité de cette règle nationale avec le droit de l’UE, en particulier avec la Directive 89/391 sur la sécurité au travail et l’obligation des États membres de garantir des conditions de travail sûres. 
  • La CJUE a alors jugé que le droit de l’UE s’oppose à une loi nationale qui, en vertu d’une décision d’une cour constitutionnelle, empêche un tribunal de réexaminer la qualification d’un accident de travail lorsqu’une telle interdiction empêche les victimes de faire valoir leurs droits de manière effective.  
  • Cette décision souligne l’importance du principe de primauté du droit européen, qui ne peut être subordonné aux décisions des juridictions constitutionnelles nationales, même dans des domaines aussi sensibles que la sécurité des travailleurs. 
  • Il y a donc une confrontation directe entre deux piliers essentiels du cadre juridique européen : d’une part, le respect des systèmes juridiques nationaux, notamment des cours constitutionnelles ; d’autre part, l’exigence de garantir l’effectivité du droit de l’Union, qui impose que les droits conférés par ce dernier puissent être pleinement exercés par les individus. 
  • Néanmoins, l’injonction de la Cour va bien au-delà de la simple affirmation de la primauté du droit de l’Union (qui est réaffirmée depuis des dizaines d’années) ; elle exige des juges nationaux qu’ils se positionnent en défenseurs de ce droit, même face à leurs propres institutions constitutionnelles 
  • Ainsi, les juges nationaux ne peuvent être sanctionnés pour avoir refusé de suivre une décision constitutionnelle nationale qui contrevient au droit européen. 
  • Les juges nationaux deviennent alors des médiateurs entre deux systèmes de valeurs juridiques : celui de leur État souverain, symbolisé par leur Cour constitutionnelle, et celui de l’Union, où le principe de primauté du droit européen ne souffre, du moins pour la CJUE, d’aucune exception. 
  • Ils sont alors pris entre deux loyautés : leur constitution nationale et leurs obligations européennes. 
  • En pratique, la décision pourrait conduire à un affaiblissement des systèmes juridiques nationaux, en particulier des juridictions constitutionnelles, garantes de l’ordre juridique interne et de la souveraineté constitutionnelle. 
  • Cette décision pose toutefois des questions épineuses : jusqu’où les États membres sont-ils prêts à accepter l’intervention de l’UE dans des domaines aussi sensibles que la sécurité au travail ou la procédure pénale nationale ? 

Un tel activisme judiciaire, pourrait engendrer des réactions hostiles au sein des États membres, toujours attaché aux apparences de leur souveraineté.