Annoncée la semaine dernière, la mise en place de la Commission européenne est pour le moment suspendue au succès des Commissaires-désignés lors de leurs auditions par les Commissions compétentes du Parlement européen.
- Pour le moment, les observateurs spéculent sur cette architecture nouvelle et un peu étrange, faite de titres baroques (“preparedness” à la place de “social and jobs” déplore ainsi l’ancien Commissaires aux affaires sociales), d’associations nouvelles (Concurrence et Climat) avec des Vice-Présidences exécutives mais des recommandations qui insistent sur la collégialité, et des compétences clés (marché intérieur, climat, fiscalité, industrie défense, etc.) réparties entre plusieurs portefeuilles.
- Parmi les grandes nouveautés : un Commissaire à la Défense, le Lituanien Andrius Kubilius – qui devra lui aussi convaincre le Parlement européen.
- La création de cette commission symbolise le basculement politique au sein des Etats membres de l’UE, suite à l’agression russe sur l’Ukraine.
- Réalisant que l’UE n’était plus adaptée aux transformations d’un monde de plus en plus belliqueux, l’idée d’une commission Défense spécifique a été largement partagée, que ce soient par les décideurs politiques ou par le monde académique et les experts.
- Néanmoins, demeurent le sujet de son portefeuille et de l’orientation de cette commission. Carnegie se demande par exemple si cela suffira à résoudre la fragmentation de l’industrie européenne de défense.
- Un problème structurel déjà souligné par le rapport Draghi (cf. EIH 16/9/24).
- Avant la nomination des commissaires européens, le programme politique présentée par Ursula von der Leyen en juillet dernier donnait déjà de grandes indications sur le futur de l’Europe de la défense et sur les tâches qui incomberaient à la fraîche commission Défense.
- Comme une introduction à un futur “livre blanc européen sur la défense de l’UE”, les quelques pages relatives à ce sujet mettaient en avant les principales priorités de la défense européenne : soutien à l’Ukraine, renforcement de la coopération UE-OTAN, investissements massifs dans l’industrie de défense, meilleure intégration des programmes industriels de défense.
- Ce seront les principales missions de la nouvelle commission Défense, énoncées dans la lettre de mission de von der Leyen adressée à Kubilius.
- Côté Parlement européen, la promotion de l’ancienne sous-comission Sécurité et Défense (SEDE), présidée par Marie-Agnes Strack-Zimmerman (DE-Ren) en Commission Défense à part entière (donc dotée de compétences législatives) devrait avoir lieu cet automne.
- Mais le périmètre et les missions doivent encore être clarifiés au cours des négociations entre groupes politiques..
- Ainsi, le groupe PPE a par exemple indexé cette valorisation de la Défense à une revalorisation de la sous-commission des Droits de l’Homme.
- L’un des principaux sujets est le partage des compétences avec la commission Industrie, Recherche et Energie (ITRE). Qui doit mettre en œuvre la politique industrielle de la défense ? Ancienne présidente de SEDE (2019-2024), Nathalie Loiseau (FR-Ren) considère que l’industrie de défense avait besoin d’une approche spécifique, à rebours de Christian Ehler (DE-PPE) qui craint que l’expertise des membres de l’ITRE soit exclue de la politique industrielle de défense.
- Une fois son portefeuille défini, l’une des principales missions de la nouvelle commission sera de promouvoir EDIP, le programme visant à stimuler la modernisation et l’extension de l’industrie de défense européenne.
- Même si ce programme semble faire l’objet d’un consensus, dans le détail, un véritable bras de fer a lieu entre les différentes conceptions de la notion d’autonomie stratégique, selon qu’on soit français, allemand ou polonais.
- La tâche d’Andrius Kubilius s’annonce donc cruciale et immense, la défense étant l’un des domaines sur lequel les Etats membres répugnent à perdre une partie de leur souveraineté.