GLEE PHOSATE 

Science corporate ou science citoyenne? Dans un monde où l’expertise détermine l’action publique, la manipulation des données et des études scientifiques a étendu le champ de bataille politique à la science (voir par exemple cet entretien d’E. Gaudot avec Etienne Klein). Dans ce contexte, la discussion sur la réautorisation du glyphosate par l’UE prend une couleur particulière : cet herbicide – le plus utilisé dans le monde – est-il en effet un danger comme le rappelait le très sérieux INRAE en 2022, ou le point aveugle d’une panique collective comme le dénoncent certaines journalistes ? Et les motivations des uns ou des autres sont-elles purement scientifiques, comme l’interrogeait Arrêt sur images en 2020? 

  • Tous les coups sont-ils permis ? Selon Amélie Poinssot pour Médiapart, Bayer Monsanto (né de l’acquisition par Bayer AG de Monsanto Company en 2016), géant de l’agrochimie, aurait « dissimulé une étude qui met en évidence les effets toxiques du glyphosate sur le développement neuronal »   
  • Les associations de défense de l’environnement, dont Générations futures (française) et Global 2000 (autrichienne), ont déposé plainte le 27 septembre 2023 contre Bayer Monsanto devant le procureur de République de Vienne, faisant grief d’une fraude grave.  
  • Elles soutiennent une présentation incorrecte des résultats et des données de la part de l’entreprise ayant pour but de « « tromper sur la réelle dangerosité du glyphosate sur les humains, les animaux et l’environnement » et d’« obtenir une ré-autorisation ». 
  • Elles expliquent que l’exposition des femmes enceintes à l’herbicide entrainerait des dommages sur le système nerveux de l’infans 
  • Le 6 juillet 2023, l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a réalisé une évaluation auto-qualifiée comme « la plus transparente d’un pesticide jamais réalisé par l’EFSA et les États membres de l’UE ».  
  •  L’EFSA considère qu’il n’y a « pas de préoccupation critique » au sujet du glyphosate. 
  • On peut relever l’existence d’une étude réalisée en 2001 par Syngenta, également société d’agrochimie donc concurrente, qui avait alors pointé du doigt la neurotoxicité du glyphosate.  
  • Cette controverse, dont l’enjeu économique ne doit pas éclipser les enjeux de santé publique, éclate évidemment au moment où le Conseil de l’UE doit se prononcer (le 13 octobre 2023) sur le renouvellement de l’autorisation du produit dans l’UE.  
  • Le ministre français de l’agriculture Marc Fesneau se disait favorable le 22 septembre au maintien de l’herbicide sur le marché, contrairement aux positions initiales du Président Macron – que celui-ci semble regretter désormais. 
  • Stéphane Séjourné, président du groupe Renew au Parlement européen exprimait son opposition ferme au glyphosate, montrant une fois de plus le décalage entre Paris et Bruxelles sur des sujets cruciaux. 
  • Le ministre allemand de l’agriculture, Cem Özdemir, quant à lui, s’y oppose et entend joindre à sa cause d’autres États membres.  
  • Le renouvellement ne pourra être empêché qu’en cas de vote « contre » de la part d’une majorité qualifiée. 
  • La chose semblait difficilement imaginable, reste à observer si les récentes données donneront un coup de pied dans la fourmilière.