Trente ans après les débuts d’une guerre fratricide, la Bosnie-Herzégovine (BiH) attend toujours son statut d’Etat candidat à l’Union européenne. Son système électoral complexe trouve ses origines dans le conflit sanglant suivant l’effondrement de la Yougoslavie qui a opposé Serbes orthodoxes, Croates catholiques et Bosniaques musulmans. Les accords de paix de Dayton en 1995, parrainés par les États-Unis, forment un début d’ordre constitutionnel composé de multiples ordres juridiques permettant aux trois principaux groupes ethniques du pays de contrôler en équilibre la politique intérieure et les processus décisionnels clés.
Deux unités administratives principales composent l’Etat BiH : la Republika Srpska (serbe) et la Fédération de Bosnie-Herzégovine (bosniaque-croate).
- On y retrouve 14 gouvernements différents soit 136 ministres.
- Au niveau de l’État, la présidence est tripartite, chaque membre ayant un mandat de 4 ans pour représenter l’un des trois groupes ethniques.
- Le Parlement est bicaméral – une Chambre des représentants et une Chambre du Peuple pour veiller à ce qu’aucune législation n’aille à l’encontre du principe de « l’intérêt national vital ».
- Ce système se décline dans les deux entités administratives.
- Objet de requêtes auprès de la Cour Européenne des droits de l’homme (Cour EDH), puisqu’il rompt le principe d’égalité entre les électeurs, ce système électoral complexe s’assure en outre que les différents postes électifs soient occupés dans le respect des équilibres ethniques entre les 3 groupes et les deux entités.
- Les récentes tentatives de réforme du système électoral pour refléter les changements démographiques depuis la guerre avaient provoqué des manifestations de masse à Sarajevo.
- Les communications relatives aux élections générales de ce 2 octobre 2022 étaient principalement axées sur la présidence à trois – un poste symbolique mais important pour les questions de politique étrangère – un enjeu crucial dans le contexte actuel.
- Les résultats sont publiés progressivement alors que le système de dépouillement de la BiH subit rapports d’ingérence dans le vote et de lenteur dans le comptage des bulletins.
- Ces élections étaient, en outre, sous observation de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).
- Les résultats sont publiés progressivement alors que le système de dépouillement de la BiH subit rapports d’ingérence dans le vote et de lenteur dans le comptage des bulletins.
- À l’heure actuelle, les premiers retours de vote de l’élection affirment que le président sortant, Bakir Izetbegović, Bosniaque ethno nationaliste en poste depuis 2010, fils d’Alja Izetbegović aurait échoué dans l’obtention d’un troisième mandat contre Denis Bećirović, candidat du SDP (centre-gauche), modéré, qui défend une politique moins ethno centrée.
- La vraie surprise de ce cycle électoral est que le Serbe de BiH, Milorad Dodik, figure populiste influente et leader séparatiste pro-Poutine, a décidé de ne pas se représenter à la présidence du pays, mais à celle de l’entité RS.
- Corruption, chômage, salaires faibles et taux de pauvreté et d’inflation élevés (17,6% en août 2022) infrastructures sociales défaillantes en termes de santé, justice, éducation, le pays est secoué par des crises politiques clivantes.
- Les manœuvres de M. Dodik visant à retirer l’entité RS d’un certain nombre d’institutions fédérales – y compris son autorité fiscale et sa capacité militaire – ont été vues comme une tentative ouverte de sécession.
- Sous son influence, la BiH est l’un des rares pays d’Europe à ne pas avoir appliqué de sanctions contre la Russie après l’invasion de l’Ukraine.
- C’est un sujet qui divise l’opinion publique en BiH : alors que M. Dodik, leader de l’entité Republika Srpska, défend une option pro-russe, l’autre moitié du pays déclare soutenir l’Ukraine et préconise plutôt l’application de sanctions contre Moscou, en cohérence avec l’accord de stabilisation et d’association signé avec l’UE.
- Malheureusement, sur la scène internationale, la coopération avec la Russie s’est intensifiée après l’invasion de l’Ukraine.
- Dans l’ensemble, la population se sent frustrée par l’absence de réponse systémique unifiée dans le pays, une insatisfaction renforcée par son propre traumatisme historique récent qui donne au peuple de BiH un sentiment de responsabilité vis-à-vis le soutien de l’Ukraine.
- Les souvenirs du siège de Sarajevo et du massacre de Srebrenica sont encore vifs.
- Sans parler de l’inconstance vers le chemin de l’adhésion à l’Union européenne.