Alors que les regards sont tournés vers la Russie, les tensions ont repris dans la mer de Chine du Sud et le détroit de Taïwan au début du mois. Inquiétée par les signaux de soutien occidentaux (notamment lituaniens) à l’indépendance de l’île qu’elle considère comme partie intégrante de son territoire la Chine a orchestré un certain nombre d’exercices militaires navals à proximité des eaux taïwanaises, et parfois directement à l’intérieur de celles-ci, comme une menace symbolique en réponse à la visite de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi.
- Selon Mathieu Duchâtel, spécialiste de la région à l’Institut Montaigne, cet acte performatif de provocation militaire vise à signaler clairement à Taïwan que la menace d’une annexion par la force est tout à fait envisageable, tout en testant la logistique d’une telle invasion en termes de coûts militaires et de pertes potentielles en capital humain.
- Cette stratégie basée sur la menace fait également écho à une tentative claire de dissuader les Taïwanais de voter en faveur du Parti démocrate progressiste lors des prochaines élections locales en novembre.
- La visite diplomatique de Nancy Pelosi avait été considérée comme la fin du statu quo pour Pékin.
- Cependant, les conséquences politiques de cette visite devraient rester minimes. La dramatisation de l’événement diplomatique témoigne plutôt de la politique diplomatique de « assertive reactiveness » chinoise pour créer de nouvelles conditions favorables à sa politique de Chine unique.
- Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un test grandeur nature pour la viabilité des alliances américaines régionales, de Séoul à Tokyo ou Canberra.
- Des questions se posent quant à l’éventuelle annexion de Taïwan par la Chine, plus particulièrement en termes de réaction internationale et de contrecoup commercial puisque Taïwan est l’atelier mondial de production de puces et de semi-conducteurs, indispensables au bon fonctionnement des industries des pays occidentaux (de l’armement à l’automobile).
- Sur le modèle des sanctions appliquées à la Russie dont les effets contreproductifs commencent à se faire visibles, un boycott occidental, voire mondial, des produits chinois pour répondre à l’annexion aurait bien du mal à se concrétiser.
- En particulier, d’un point de vue européen, un nombre important d’accords commerciaux signés dans les années 1990 exigent des États membres de l’UE qu’ils donnent la priorité aux relations entre l’UE et la Chine et qu’ils gèrent de manière proactive toute tension ou perturbation éventuelle.
- Ces accords mettent notamment l’accent sur le commerce, l’investissement, la coopération économique et le partenariat au sein des Nations unies, avec surtout une disposition soutenant la position de Pékin vis-à-vis Taïwan.
- En l’état actuel des choses, grâce à ces efforts diplomatiques orchestrés par la Chine des années auparavant, Taïwan ne compte plus que 15 alliés officiels, ce qui la laisse théoriquement en rade en cas d’annexion, sans qu’aucun cadre ne soit actuellement établi pour un blocus économique unifié de l’activité chinoise.