Dénouement heureux ou compromis boueux ? La guerre en Ukraine a changé le contexte pour le bras de fer entre Varsovie et Bruxelles. Lors de sa visite à Varsovie, jeudi 2 juin, Ursula von der Leyen a annoncé la validation du plan de relance polonais, après plus d’un an de blocage dans le cadre des atteintes à l’indépendance de la justice.
- Pour justifier ce feu vert, la présidente de la Commission européenne a rappelé que le pays a accueilli des millions de réfugiés ukrainiens depuis le début de l’invasion russe, et que la Pologne est l’une des cibles du chantage énergétique opéré par la Russie, comme nous l’indique RFI.
- Pour rappel, la Commission avait déclenché il y a six ans une procédure contre le gouvernement polonais du PiS, estimant qu’il y « a un risque clair d’une violation grave de de l’État droit en Pologne », État membre resté sourd aux demandes d’infléchir ses réformes judicaires controversées.
- Dans ce cadre, et avec le plan de relance post-Covid, l’exécutif européen a décidé de débloquer ces fonds, d’une hauteur de 35,4 milliards d’euros, après une année durant laquelle Jaroslaw Kaczynski a refusé de se conformer aux exigences de la CJUE.
- Pour avoir accès à ces fonds, la présidente de la Commission européenne a déclaré que des réformes du système judiciaire seront nécessaires, à savoir :
- L’actuelle chambre disciplinaire doit être abolie et remplacée, par un tribunal indépendant ;
- le régime disciplinaire doit être réformé ;
- et les infractions disciplinaires prononcées à l’égard de certains juges doivent être annulées.
- La Pologne a finalement adopté un projet de loi visant à assurer lesdites réformes, et se verra allouée les quelques 24 milliards d’euros de subventions, et 12 milliards d’euros de prêts pour le redressement du pays.
- Toutefois, cette décision n’est pas passée sans réaction hostile, en particulier des eurodéputés.
- Comme le rappelle dans une série de tweets (ici, ici, ou là) pendant la plénière du Parlement, l’eurodéputé Daniel Freund (DE-Verts), la solidarité admirable des citoyens Polonais n’a rien à voir avec l’attitude condamnable de leur gouvernement en matière de droits fondamentaux et d’État de droit.
- Arte cite certains eurodéputés, pour qui ce projet de loi est avant tout « cosmétique ».
- Selon eux, la chambre disciplinaire continue de fonctionner, mais sous un nom différent.
- Ils attendent donc une véritable liquidation de la chambre disciplinaire, les juges révoqués doivent revenir dans leurs tribunaux pour « que la Pologne se remette dans les rails de l’État de droit ».
- Un article d’Euronews s’interroge : cet accord est-il légitime ou est-ce une capitulation de l’exécutif européen?
- Varsovie est autorisée à présenter deux demandes de paiement par an. En ce sens, le gouvernement peut être amené à recevoir deux premières tranches des fonds de redressement européen, alors que les juges polonais sont toujours sous l’effet du régime disciplinaire remis en cause par la Commission.
- La première tranche, d’un montant de 4 milliards d’euros, pourrait être versée d’ici à la fin de l’année.
- Dans ce contexte, lundi 6 juin, trois figures du groupe Renew au Parlement européen ont appelé à soumettre au vote des députés européens une motion de censure contre la Commission d’Ursula von der Leyen.
- Sophie in’t Veld (NL), Guy Verhofstadt (BE) et Luis Garicano (SP) reprochent à la présidente de la Commission d’avoir accordé les fonds du plan de relance à la Pologne, et de ce fait, de « ne pas appliquer sérieusement les règles de conditionnalité sur l’État de droit ».
- Selon eux, les conditions de l’exécutif européen sont en-deçà des exigences de la CJUE, et ne répondent pas au refus de la Pologne de reconnaître pleinement la primauté du droit de l’UE.
- Avant d’être mis au vote en séance plénière, le Figaro explique que le texte devra recueillir en amont les signatures d’au moins un dixième des députés européens, à savoir 70 parlementaires.
- Pour le moment, seules de simples résolutions ont été déposées par les groupes politiques du Parlement.