Consécutivement au retrait des troupes occidentales d’Afghanistan et à l’accord AUKUS, l’Europe remet en question ses politiques de défense et de sécurité.
- Selon l’ancien eurodéputé Olivier Dupuis, ces deux événements sont liés.
- Ils participent à la mise en lumière de la politique du « pivot asiatique », c’est-à-dire de la centralité de la question chinoise pour les États- Unis.
- Il explique que la stratégie de containment des États-Unis à l’égard de la Chine sera, dorénavant, fondée avant tout sur une stratégie maritime.
- C’est pourquoi l’accord AUKUS, concernant des sous-marins nucléaires, est cohérent avec cette stratégie.
- Olivier Dupuis précise que les membres de l’UE pourraient bénéficier de ce rapprochement car “il est le signe de la mise en place d’une véritable stratégie face à la formidable montée en puissance militaire de la République Populaire de Chine et, simultanément, à l’accélération de sa transformation de dictature en système national-totalitaire 5G.”
- Il regrette cependant le manque de communication de l’administration Biden vis-à-vis de la France, et par extension des alliés européens, quant à l’accord AUKUS. Par cette décision, les États-Unis rappellent que la thématique de la « mort cérébrale de l’OTAN » est hors de propos en raison des énormes « lacunes capacitaires » des pays européens. En d’autres termes, il n’y aurait pas d’alternative à l’OTAN en matière de défense du continent.
- Olivier Dupuis ajoute deux menaces – plus européennes – à prendre en compte : celle de la sécurité en Méditerranée, au Moyen-Orient, au Maghreb et dans la région sahélienne et celle de la cohésion de l’Union européenne.
- Entre la logique du « cherry picking », la force d’intervention rapide de 5 000 hommes désirée par Josep Borrell qui semble utopique et le Sommet européen de la défense prévu au printemps 2022 qui ne promet qu’un débat entre partisans de l’OTAN et partisans de l’autonomie stratégique ; il est temps d’établir une véritable politique de sécurité européenne.
- La création d’une armée européenne commune ainsi que la définition des priorités de la politique européenne de sécurité pourraient conduire à la création d’une « capacité à décider pour nous-même » sur des sujets qui concernent les Européens au premier chef.
- Pour l’ancien eurodéputé, “toute la question est de savoir si [les] chefs d’État et de gouvernement [sont prêts] à modifier les traités pour que l’Union soit en mesure de s’engager sur cette voie.”
Alors que l’UE tente une riposte face aux routes de la soie chinoises, Pékin trouve une nouvelle stratégie pour combler son retard sur les semi-conducteurs, en multipliant les acquisitions d’entreprises de semi-conducteurs, dans le monde entier, en se dissimulant derrière des sociétés écrans.
- Les semi-conducteurs sont particulièrement importants dans la montée en puissance de la Chine, surtout depuis le lancement de la stratégie Made in China 2025 visant à devenir le leader mondial dans dix technologies-clés.
- Les semi-conducteurs font partie de ces technologies devenues indispensables au regard de la numérisation massive de nos sociétés.
- De plus, leur degré de sophistication joue un rôle central dans l’innovation du secteur militaire.
- Le fonds d’investissement chinois Wise Road Capital a, par exemple, déposé une offre de rachat sur l’entreprise française Unity Semiconductor (SC) SAS.
- Selon l’analyse du cabinet d’intelligence économique Datenna effectuée pour Le Monde, plusieurs des actionnaires de ce fonds sont étroitement liés à l’État chinois. Ainsi, Jaap van Etten, ancien diplomate néerlandais et PDG de Datenna, souligne que “dans le secteur des semi-conducteurs, nous avons constaté que l’État chinois est quasiment chaque fois impliqué, mais il préfère se cacher derrière des fonds d’investissement privés”.
- Le quotidien Le Monde précise que Wise Road Capital n’en est pas à sa première acquisition en Europe et que plusieurs centres de recherche ou de production ont été transférés vers la Chine.
Cette vigilance fait écho aux conclusions du rapport du sénateur André Gattolin sur les influences étrangères dans la communauté scientifique et l’université françaises.
- Au printemps 2019, l’Union européenne avait annoncé la mise en place d’un mécanisme de filtrage où les États membres étaient obligés de signaler tout investissement étranger dans des technologies sensibles.
- La Cour des comptes européenne a toutefois souligné, en septembre 2020, qu’il était encore « difficile d’obtenir des données complètes et actualisées et, par conséquent, d’avoir une vue d’ensemble des investissements » chinois en Europe.
- Le commissaire Thierry Breton ne compte pas laisser passer sa chance : il cherche des solutions de coopération en Asie, spécifiquement pour relever ce défi (voir EIH 07/10).